Dangers psychiatriques du cannabis, un article modéré.

Dans certains maux et maladies, le cannabis peut soulager et avoir différents effets positifs ou négatifs sur le corps humain. Ici, venez discuter de : l'usage médical du cannabis, ces éventuels effets addictifs, effets psychiques et corporels, témoignages, prévention, etc.
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Kashmir

Dangers psychiatriques du cannabis, un article modéré.

#1 Message non lu par Kashmir »

C'est un des très rares articles sérieux et précis qu'on puisse trouver sur les dangers du cannabis.

Les auteurs soulignent bien la complexité de la question en fonction du grand nombre de principes actifs du cannabis.

Ils ne se prononcent ni pour ni contre la dépénalisation.

Évidemment, ils ne parlent ques des aspects négatifs, c'est leur boulot. Et comme ils travaillent dans un hôpital public, ils n'ont vraiment pas intérêt à jouer avec le L. 3421-1 du code santé publique…

Mais pour une fois que des médecins se donnent vraiment la peine d'éviter les simplifications abusives, ça vaut le coup de s'y intéresser ! :wink:

Et puis vous noterez au passage qu'ils ne se privent pas de surfer sur le web cannabique… :mdr:




Communication sur le cannabis du Professeur Ferreri et
du Docteur Nuss aux entretiens de Bichat 2001

Le cannabis : données scientifiques récentes

Philippe NUSS, Maurice FERRERI

Philippe NUSS a écrit : Outre ses différentes propriétés psycholeptiques et médicinales, le cannabis semble posséder une propriété rarement décrite, celle de générer de la confusion et de l'amalgame. En effet, dès lors que l'on tente de se faire une opinion sur ses effets, on se trouve dans l'incapacité de trouver des références nuancées sur cette substance qui, à l'évidence, mérite une approche subtile de sa complexité. Les différentes sources sur lesquelles on tente de se fonder sont rarement clairement établies dans un champ clair et homogène. A titre d'exemple, l'historique de la culture et de l'usage du chanvre (tel qu'on le trouve sur le site delta 9 de yahoo) mélange immédiatement ceux de la fibre végétale, utilisée depuis l'antiquité et source d'un commerce encouragé avec l'usage de la fleur. Si l'on s'intéresse aux débats sur les politiques de santé publique vis à vis du cannabis dans les différents pays du monde, on assiste à des descriptions décontextualisées qui ne prennent pas en compte la position générale du pays vis à vis des toxiques, ses buts sanitaires. Ainsi, considérant une position partielle d'un dispositif dans un pays (par exemple la libéralisation de la consommation de cannabis), on feint de croire qu'il suffirait de superposer les expériences dont l'évaluation est jugée positive pour définir une politique idéale qui serait la somme des différentes expériences partiellement analysées. Chacun est bien conscient du fait qu'il s'agit, plutôt que d'additivité, de cohérence interne d'une politique de santé. La prise de conscience écologique s'est amalgamée à la défense du cannabis par le biais de son origine naturelle bien qu'elle ne soit en aucune manière preuve d'inocuité pour l'homme. Par contiguïté, une culture musicale, mais aussi un marché de vêtements et de produits de toutes sortes issus du cannabis entretiennent une économie florissante et ne semblent pas créer, quoiqu'on puisse affirmer, de réelle alternative à l'économie de marché. De même, des données obtenues dans un domaine (par exemple l'effet antalgique du cannabis) sont-elles surgénéralisées dès lors qu'on en conclut à une innocuité : les opiacés, dont l'action antalgique est bien connue, ne sont pas pour autant sans danger.

Le rapport établi par le Professeur Roques en 1998 (11) a tenté d'éviter cette tendance à la simplification et à la surgénéralisation qui s'instaure souvent dès lors que l'on tente de statuer sur la dangerosité des psychotropes. C'est en effet à partir d'une analyse complexe qu'il a tenté d'établir un palmarès de la dangerosité des drogues. Concernant le cannabis, le rapport fait état d'une faible dangerosité. En pondérant, puis en les additionnant, des dimensions comme la dépendance, la neurotoxicité, la toxicité générale, la dangerosité sociale, le rapport fait état d'un coefficient résultant faible (Tableau I). Le point le plus critiquable de ce rapport concernant le cannabis nous semble résulter de l'absence de prise en compte des aspects psychopathologiques individuels et de la dimension de fragilité génétique (17) chez les consommateurs (14, 17, 4). Ces aspects sont spécifiques au cannabis dont on a décrit les variations d'effets en fonction des sujets. De même, les dimensions temporelles comme par exemple des spécificités liées à l'âge des consommateurs (le très jeune âge actuellement des usagers de cannabis) et à l'effet cumulé de la consommation (les effets du cannabis ne sont vraisemblablement pas les mêmes pour des doses espacées que pour des doses importantes et cumulées) n'ont pas été prises en compte concernant le cannabis. On sait pourtant qu'une exposition prolongée et importante de cannabis peut entraîner des effets délétères chez le sujet schizophrène via le métabolisme des phospholipides (1).

Les paramètres d'appréciation de la dangerosité potentielle du cannabis sont donc nombreux, aussi nombreux que ceux incitant à sa banalisation. Le fait est qu'ils ne sont pas du même niveau et que les amalgamer, c'est être certain de ne pouvoir disposer que de la croyance pour se faire une opinion. Il nous semble donc plus judicieux de définir, au sein d'un champ volontairement restreint (en l'occurrence, en ce qui nous concerne, les résultats scientifiques des études sur les effets neuropsychologiques du cannabis), les données scientifiques dont nous disposons. L'arbitrage, notamment concernant la libéralisation ou la dépénalisation de l'usage, étant un compromis de nature politique, issu d'un débat ayant pris en compte le niveau de danger de la substance. Ce choix témoignera du niveau de dangerosité qu'une société accepte d'assumer. Notre propos est de faire part de travaux récents sur des points précis du cannabis afin de participer au débat, sans prétendre le trancher. Ceci appartient au choix social et non pas au champ médical. Nous ferons donc appel à une revue récente (1998-2001 pour la plupart) de la littérature scientifique, parue dans les revues référencées les plus reconnues pour leur rigueur, pour donner un aperçu des effets psychopharmacologiques du cannabis.

Un premier point mérite d'être souligné. Il concerne le caractère encore imprécis des données dont nous disposons ; ceci est en partie lié à des aspects méthodologiques. En effet, la plante cannabis sativa comporte plusieurs substances qui possèdent des actions psychotropes différentes. La substance qui paraît la plus importante est le tetrahydrocannabinol (delta9-THC); mais d'autres, comme le cannabidiol (CBD), le cannabinol et le cannabigerol (CBG) ont des effets propres et peuvent également moduler l'action psychotrope globale (par exemple, CBD réduit l'anxiété induite préalablement par THC). Par ailleurs, le type de substance utilisées dans les essais cliniques et pharmacologiques ne correspondent pas bien souvent aux produits consommés par les utilisateurs (herbe, résine de telle ou telle provenance) en termes de concentration et de mode d'administration. Une standardisation des extraits, les plus proches possibles des consommations réelles, paraît nécessaire. En outre, beaucoup d'inconnues demeurent d'un point de vue pharmacologique concernant l'action du cannabis. Toutefois, de nombreux arguments scientifiques, issus de travaux rigoureux et répliqués, viennent appuyer les impressions cliniques négatives sur le cannabis généralement reconnues par les praticiens en charge de jeunes présentant des troubles psychopathologiques. Le cannabis est habituellement incriminé (16) comme favorisant l'éclosion, les rechutes et la résistance thérapeutiques de troubles comme la schizophrénie, les troubles bipolaires et les troubles paniques (18, 19, 15). Ceci est partiellement appuyé par les résultats scientifiques. En outre, une tolérance croisée et une additivité du cannabis avec les effets de l'alcool a bien été mise en évidence.

Un autre point important résulte du fait que l'effet du cannabis, contrairement à la plupart des drogues, ne présente pas une activité psychotrope toujours identique. Suivant la dose (quantité de THC absorbée), la forme de consommation, l'expérience que le consommateur a du cannabis, la structure de sa personnalité, son état d'esprit du moment, et le contexte dans lequel la consommation s'insère, des effets parfois opposés peuvent se produire simultanément ou successivement.

Le cannabis agit avant tout sur le cortex cérébral, le système limbique, l'hypothalamus, l'hypophyse, le cervelet, mais aussi sur d'autres parties du corps comme la rate et l'intestin. On a pu mettre en évidence en 1988 l'existence de récepteurs spécifiques (CB1 et CB2) pour les cannabinoïdes dans le cerveau ainsi que l'existence de ligands endogènes pour ces derniers ; ils ont la particularité d'être des phospholipides dérivés de l'acide arachidonique.


Les effets psychiques induits par le cannabis sont connus ; ils comprennent: :

Modification de la conscience, perception exacerbée du son et de la lumière

Association très riche, accompagnées d'un besoin de bavarder et de rire

Euphorie et disparition des inhibitions

Conscience accrue de soi

Modification de la perception du temps

Relâchement intellectuel, manque d'entrain

Baisse de la productivité et de la concentration, pensée fragmentaire

Perturbation de la mémoire à court terme et ralentissement du temps de réaction

Indifférence et détachement vis-à-vis de l'environnement

Etats occasionnels et atypiques de désorientation, de confusion, d'angoisse, de panique et de délire.

Malgré son origine naturelle, le cannabis n'est pas dénué d'action toxique somatique. On retiendra surtout les effets liés au fait de le fumer (troubles pulmonaires, bronchite chronique, cancers des voies aériennes supérieures) et les fréquents retards de croissance chez le f_tus ainsi que les troubles du comportement chez le nouveau-né.

Nous insisterons seulement sur deux points concernant l'action potentiellement délétère du cannabis au plan psychologique et/ou psychiatrique. Nous développerons les effets cognitifs du cannabis et présenterons les résultats des études animales sur l'action du cannabis sur le système de récompense. Ces données peuvent bien entendu cohabiter avec d'autres, aussi rigoureuses au plan scientifiques, mettant en valeur les effets thérapeutiques du cannabis.

Compte tenu de la répartition des récepteurs au cannabis (hippocampe notamment) (10) et de l'action du cannabis sur le cortex préfrontal (2, 6) des troubles cognitifs importants sont retrouvés chez tous les consommateurs. Les troubles mnésiques présents chez tous les sujets lors des tests cognitifs lorsqu'il y a prise de cannabis semblent être dus à l'action inhibitrice du cannabis sur l'activité Gaba hippocampique impliquée dans les processus de mémoire de travail (8 ) et à l'hypofrontalité induite. On note en outre une action systématique du cannabis sur les processus attentionnels, la perception temporelle (5) mais aussi les apprentissages, la fluence verbale, la rapidité procédurale et la dextérité manuelle (3). Dans la plupart des essais chez l'homme, les sujets altérés au plan des tests ne perçoivent pas subjectivement la diminution pourtant significative de leurs performances.

Les interactions du cannabis avec la dopamine, l'acétylcholine, les opiacés, et les systèmes gabaergiques ont été démontrées dans plusieurs structures de cerveau. Chez l'animal, le blocage sélectif des récepteurs CB1 par le SR 141716 modifie la perception de la valeur appétitive des renforçateurs positifs (nourriture, cocaïne, morphine) et réduit la motivation pour la consommation de sucrose, de bière et d'alcool. Ceci témoigne du fait que l'incitation positive et/ou les processus de motivation pourraient être sous une commande permissive de mécanismes liés au CB1 (2). Les modèles d'auto administration et les test de préférence de la place, habituellement retenus pour attester d'un processus de renforcement opérant d'une molécule, sont paradoxaux en ce qui concerne le cannabis : positifs pour certain, négatifs pour d'autres (12, 13). Les cannabinoïdes sont donc impliqués dans les processus de dépendance. De même, l'implication du cannabis sur les neuromédiateurs dans le système de récompense et l'augmentation de la prise de cannabis en réponse au stress soulignent l'implication du cannabis au sein de ce système. Cette activation s'opère grâce à des mécanismes spécifiques, différents de ceux mis en jeu par les autres toxiques. On citera aussi à ce propos les interactions (mais aussi l'indépendance) du système opiacé avec les cannabinoïdes.

En conclusion, il paraît important de considérer d'un point de vue médical psychopathologique que le cannabis présente des effets psychotropes délétères. Cependant, l'importance de son rôle dans la physiopathologie des troubles psychiques reste encore à définir avec plus de précision. Les adolescents constituent une population sur laquelle une attention particulière doit être portée (9) vis à vis du cannabis. C'est pourquoi un regard éclairé autant par l'expérience que par les résultats d'études nombreuses et complexes nous paraît un des éléments majeurs du débat sur la dépénalisation ; l'aveuglement passionnel ne nous paraissant pas susceptible de le nourrir de façon citoyenne.
Source : http://www.assemblee-nat.fr/rap-oecst/d ... p#P74_3514

@Enrico@

#2 Message non lu par @Enrico@ »

Intéressant ... le problème de ce genre d'article c'est qu'ils ne sont utilisés que partiellement par le gouvernement et juste pour le côté négatif, car ils parlent des effets sans nuancer sur les quantités ni les pourcentages de personnes sujettes à ces effets.

Mais c'est vrai que leur démarche à l'air honnête ...

Merci pour l'article :wink:

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hide_fly
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#3 Message non lu par hide_fly »

Yep très intéressant.
Merci Kashmir :)
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SRK-Sk8

#4 Message non lu par SRK-Sk8 »

Lolll cest long a lire !! qq pourrait faire un ti resumer ?lol
je suis paresseux hein? :twisted:

libouch'punk

#5 Message non lu par libouch'punk »

un peu dommage d'être paresseux pour ces sujets là... :wink: :roll:

mais bon le titre resume bien... :roll:

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