J'invite à la discussion en postant 2 articles relevés dans le canard enchaîné.
Évidemment les articles du canard donne le ton, pour vous faire un avis plus large j'ai posté plus bas des liens divers.
Goûtez-moi cette nanoparticule
« NANOTECHNOLOGIES et sécurité alimentaire », c'était le thème du débat public organisé à Rennes le 7 janvier (et par ailleurs avorté), dans le cadre de la grande consultation sur les nanotechnologies lancée par Borloo après son Grenelle de l'environnement. Comme « Le Canard » l'a déjà raconté (« Conflit », 22/7/09), l'industrie agroalimentaire a déjà commencé à saupoudrer des nanoparticules dans nos assiettes. Ces micromatériaux, de l'ordre du millionième de millimètre, qui grâce à leur taille lilliputienne échappent aux lois de la physique classique, sont la baguette magique pour allonger la durée de vie des tablettes de chocolat, stabiliser les couleurs des saucisses industrielles, blanchir les sauces, rendre plus onctueuse la mayonnaise, éradiquer les grumeaux, renforcer les arômes, en inventer de nouveaux... Kraft foods, numéro deux mondial de l'agroalimentaire, a carrément créé un consortium « nanotech » fort d'une quinzaine d'universités et d'instituts de recherche. Le hic, c'est que l'on n'a pas la queue d'une idée sur la manière dont ces nanoaliments, une fois avalés, se comportent dans notre organisme.
Combien de nanoparticules avons-nous déjà au menu ? D'après la représentante de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), qui avait fait le déplacement à Rennes, « aucun produit alimentaire n'a été évalué comme tel en France ». Nous voilà rassurés, sauf que ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas « évalués comme tels » qu'ils n'existent pas ! En effet, les industriels ne sont pas obligés d'indiquer sur l'étiquette la présence d'un nano-ingrédient. Et ce n'est que depuis ce mois de janvier qu'ils sont tenus de demander un feu vert à l'Efsa, l'équivalent européen de l'Afssa, lorsqu'ils veulent commercialiser un additif composé de nanoparticules.
On nous parle bien d'une réglementation sur les « nouveaux aliments », dont feraient partie les nanoaliments, mais elle est encore dans les cartons. D'autant qu'à Bruxelles on en est encore à se crêper le chignon sur la définition d'un nanoaliment : moins de 300, ou de 100 nanomètres ? Bref, on ne dispose d'aucune liste officielle des nanoaliments déjà dans les rayons. Il serait pourtant d'intéressant d'aller mettre son nez dans les barres chocolatées, les crèmes glacées, la mayonnaise ou les soupes en sachet, et surtout les emballages dont on sait que les composants peuvent parfois migrer dans les aliments... En comptant aliments, ustensiles de cuisine, emballages et compléments alimentaires, l'association écolo Les Amis de la Terre recense plus d'une centaine de nanoparticules qui pourraient migrer dans nos gamelles.
Mais, comme l'a dit l'Afssa, « la réalité commerciale sur le marché européen est difficile à objectiver ». C'est du nanoprincipe de précaution ?
(N°4655 13 janvier 2010 - Conflit de canard)
Un débat infiniment petit
FINALEMENT, ce sont les mêmes. Hier, ils imposaient le nucléaire sans consultation, sans même un vote à l'Assemblée, sans débat public. Aujourd'hui, ils font pareil avec les nanotechnologies. Aux commandes dans les deux cas, le CEA (Commissariat à l'énergie atomique), maître d'ouvrage du tout récent Minatec, un des quatre grands pôles mondiaux des nanos, installé à Grenoble. Mais les temps ont changé : il faut donner à ce coup de force technologique l'apparence d'un choix librement consenti par le populo, et surtout éviter le syndrome OGM : le blocage par l'opinion publique de ce qui est présenté comme la grande révolution révolutionnaire du siècle.
Alors ils ont organisé un débat bidon, aussi bidon que l'a été le Grand Débat National Sur l'Identité De Besson. Le hic, c'est que des trublions sont venus saboter ce débat pseudo-démocratique. Dans la plupart des 17 villes où s'est promenée la nano-caravane, des opposants par centaines ont chahuté, rigolé, sabordé l'affaire. Une vraie chienlit... Du coup, en face, panique : déploiements spectaculaires de policiers et ruses tartignolles (mettre les débatteurs dans une salle, le public dans une autre ; se replier sur la Toile protectrice du Net). Résultat : un ratage monumental qui a alarmé la secrétaire d'Etat Chantai Jouanno. Avant même que ne se déroule la dernière réunion, prévue pour ce 23 février, elle vient de pondre sur lemonde.fr un texte ulcéré, « L'infiniment petit a besoin d'un grand débat », où elle traite les trublions d'« obscurantistes ». Vieille ritournelle : vous n'êtes pas d'accord avec le nucléaire, les OGM ou les nanos ? Vous êtes des « obscurantistes ». Vous avez forcément « peur ». Nous n'en n'avons pas peur, nous sommes contre !, rétorquent les empêcheurs de débattre en rond.

Pour eux, le vrai projet des nanotechnologies est politique : nous faire basculer dans un nano-monde qui serait, note le groupe grenoblois PMO (Pièces et Main-d'œuvre) « celui de la connexion (numérique, électronique) permanente à tout et à tous, de la dépendance envers le système technicien et industriel pour la moindre activité, dans les gestes jusqu'ici réalisés de façon autonome - depuis les courses pour la maison jusqu'au soin des enfants ou des personnes âgées ». En fait, un nouveau « totalitarisme » serait en marche...
Tout de suite les grands mots !, dit en substance l'historienne des sciences Bernadette Bersaude-Vincent (le-monde.fr), qui, constatant le « grand ratage » du débat, « conçu ni par les citoyens ni pour eux », renvoie dos à dos pro- et anti-nanos. Relevant la « discordance flagrante » entre le questionnement politique des citoyens (qui oriente les recherches ? qui les paie ? pourquoi faire ?), et le discours « délibérément rassurant » des technocrates, elle montre en exemple le Nanoforum du Conservatoire national des arts et métiers et les colloques organisés par l'association Vivagora... Certes : des enceintes raisonnables, pacifiées, à l'écart du champ de bataille, pourquoi pas ? Reste que ce débat infiniment raté l'a montré : offensives, invasives, puissamment soutenues par l'Etat, les nanotechnologies ouvrent dans la société un nouveau front. Lequel, comme celui des OGM, ne risque pas de se calmer de sitôt...
(N°4661 24 février 2010 - Plouf par Jean-Luc Porquet)
Quelques liens :
- Définition de Nanotechnologie
- Définition de Nanoparticule
- Débat sur les nanotechnologies
- Vidéo "C'est quoi la nanotechnologie?"
- Des nanoparticules dans nos assiettes par lesmotsontunsens.com
- Toxicité des nanoparticules et des nanotubes par sciences-et-democratie.net
- Les nanoparticules, Connaissances actuelles sur les risques et les mesures de prévention en santé et en sécurité du travail par irsst.qc.ca
à vos claviers !