
Chef du service psychiatrie au centre hospitalier de Douai, le docteur Olivier Brochard s’intéresse depuis de nombreuses années aux comportements addictifs. Il est en outre médecin préleveur lors des contrôles antidopage sur certaines épreuves sportives. Il a effectué des contrôles lors des trois derniers Tours de Fran- ce. Il nous explique pourquoi le cannabis est un produit dopant.
– Le cannabis est considéré comme un produit dopant. Dans l’image collective, cette drogue ne semble pourtant pas faite pour améliorer les performances ?
« Détrompez-vous, les effets du cannabis peuvent tenter les sportifs. C’est un produit dopant. Il agit sur l’inhibition, c’est un déstressant.
J’ai souvent été marqué par des sportifs qui savaient garder leur calme ou qui parvenaient à trouver le sommeil quelques heures avant une grande compétition. Parfois, on se pose des questions. Le cannabis agit comme un décontractant. Dans certains pays, il est parfois prescrit pour ses effets antalgiques, pour soulager des douleurs. »
– Dans des disciplines où le risque est grand, la consommation de cannabis jouerait sur les appréhensions. On affronterait le danger avec plus d’insouciance… « C’est une évidence. Une consommation régulière permettra de repousser certaines limites. Il y aura moins d’appréhension au moment de la prise de risques. Il y a une visée anxiolytique indéniable. C’est une des grandes questions autour de cette drogue. Prend-on du cannabis pour gérer ses angoisses ou est-ce le cannabis qui vous amène à des états psychotiques ? »
– La majorité des contrôles antidopage positifs le sont au cannabis. Est-ce toujours vrai ?
« Oui, mais il faut remettre cela dans un contexte plus amateur. Les sportifs de haut niveau ne se font plus prendre. Ils savent que les traces restent longtemps dans les urines. Au niveau amateur, c’est différent. La carrière passe après. En 2006, au plan national, on a eu seize contrôles positifs dans le football amateur, et quinze l’étaient au cannabis. Ce sont souvent des jeunes qui aiment faire la fête. »
– Justement, vous n’aimez pas trop cette image de drogue festive, un peu show-biz ?
« Oui. J’en ai longtemps voulu à Yannick Noah par exemple, qui, à une époque, évoquait souvent ce sujet. Je travaille dans un service de psychiatrie spécialisé dans les addictions. Je peux vous dire que dans cent pour cent des cas liés aux addictions aux drogues dures, on retrouve le cannabis dans le parcours du patient. Cela reste une porte d’entrée vers d’autres drogues. » •
PROPOS RECUEILLIS PAR S. V.
source:http://www.lavoixdessports.com/fr/journ ... 7789.phtml