Y-a-t-il un maniaco-dépressif dans le forum ?
Y-a-t-il un maniaco-dépressif dans le forum ?
Source : The Use of Cannabis as a Mood Stabilizer in Bipolar Disorder:
Anecdotal Evidence and the Need for Clinical Research
Utilisation du canabis en tant que stabilisateur de l’humeur dans la maladie bipolaire
Études de cas et nécessité d’une recherche clinique par Lester Grinspoon, docteur en Médecine, et James B. Bakalar
Publiées dans le «Journal of Psychoactive Drugs, Volume 30 (2) Avril-Juin 1998, pp.171-177
Introduction
Les auteurs décrivent des cas cliniques indiquant qu’un certain nombre de patients ont le sentiment que le cannabis (marihuana) est utile dans le traitement de leur maladie bipolaire. Certains l’ont utilisé pour traiter la phase maniaque, celle de dépression ou les deux. Ils disent qu’il est plus actif que les médicaments conventionnels ou qu’il aide à soulager les effets secondaires de ces médicaments. Une patiente a découvert que le cannabis freinait ses épisodes maniaques et son mari a travaillé pour qu’il soit légalement disponible pour un usage médical. D’autres patients ont décrit l’usage du cannabis comme un complément au lithium (permettant une consommation réduite) ou pour en soulager les effets secondaires. Un autre cas illustre le fait que les usagers de cannabis médical sont susceptibles d’être arrêtés, surtout lorsque certains programmes de prévention contre la droque encouragent les enfants à dénoncer leurs parents. Une analogie se révèle entre le statut du cannabis aujourd’hui et celui du lithium au début des années 1950 lorsque les effets de ce dernier sur les états maniaques ont été découverts à un moment où il n’existait pas d’études contrôlées. Dans le cas du cannabis, la loi a rendu ces études presque impossibles et les seules preuves disponibles sont anecdotiques. Malheureusement, compte tenu des contingences actuelles, la valeur du cannabis en tant que traitement de la maladie bipolaire ne peut pas être totalement étudiée.
NOTE DE L’ÉDITEUR : l’article suivant se fonde en partie sur les études décrites dans l’édition revue et complétée de l’ouvrage de l’auteur : Marihuana, Le Médicament Interdit, republié en 1997 par les éditions de l’Université de Yale à New Haven et à Londres. Bien que les études de cas aient déjà été publiées, elles servent de références à l’exposé des auteurs quant à la valeur du rôle du cannabis dans le traitement de la maladie bipolaire ainsi que cela apparaît dans cette publication spécialisée. Dans leur ouvrage révisé et complété, Grinspoon et Bakalar étudient largement ce qu’ils dénomment «usages médicaux courants» du cannabis et «usages médicaux moins courants». Les premiers comprennent le traitement des nausées et des vomissements relatifs à la chimiothérapie spécifique du cancer, ainsi que celui du glaucome, de l’épilepsie, des spasmes musculaires attachés à la sclérose en plaques, à la paraplégie et la quadriplégie, au syndrome de perte de poids dù au SIDA, à la douleur chronique, la migraine, les rhumatismes, le prurit, le syndrome prémenstruel (PMS), les crampes menstruelles, les douleurs de l’accouchement, la dépression et autres troubles de l’humeur. Les seconds comprennent le traitement de l’asthme, de l’insomnie, des effets des antibiotiques, des anesthésiques actuels, des médicaments anti-tumoraux, des dystonies, de l’ADD adulte (Attention Deficit Disorder. En français : THADA = Troubles Hyperactifs Avec Deficit d’Attention), de la schizophrénie, des scléroses internes, de la maladie de Crohn, du diabète, des pseudo-tumeurs du cerveau, des acouphènes, de la violence, du PTSD (Post Traumatic Stress Disorder = état de stress post-traumatique), de la douleur attachée au membre fantôme, de l’alcoolisme et autres dépendances, des phases terminales et du vieillissement.
Dans la maladie bipolaire ou maladie maniaco-dépressive, une dépression majeure alterne avec une exaltation incontrôlable. Les symptômes de la dépression comprennent la perte d’intérêt et celle du plaisir de vivre, la tristesse, la culpabilité irraisonnée, l’inaptitude à la concentration, la perte de l’appétit, la léthargie et la fatigue chronique. Les symptômes maniaques comprennent l’insomnie, l’infatiguabilité (jusqu’à ce que l’épuissement aboutisse à l’écroulement) et un comportement audacieusement grégaire et expansif, qui se transforme parfois en irritabilité, rage ou hallucinations paranoiaques. La maladie bipolaire est principalement traitée à l’aide de sels de lithium et de médicaments anti-convulsifs, qui peuvent avoir des effets secondaires graves. 30% à 40 % des patients présentant des troubles bipolaires ne sont pas vraiment aidés par les médications courantes ou ne peuvent pas les supporter. Les études des auteurs sur l’emploi médical du cannabis (Grinspoon et Bakalar, 1997), révèlèrent qu’un certain nombre de patients étaient persuadés que la marihuana avait plus d’effet que les médicaments courants anti-maniaques ou encore qu’ils l’utilisaient pour les soulager des effets secondaires du lithium.
NOTRE PREMIER RÉCIT A ÉTÉ ECRIT PAR UNE FEMME ÂGÉE DE 47 ANS :
Je suis née le vendredi 13 octobre 1950, quelques mois avant que mon père eut son premier accès de dépression maniaque. Ma mère me raconta qu’il se saisissait d’objets d’art de valeur qu’ils possédaient et qu’il les jetait dans le vide-ordures de leur appartement new-yorkais.
J’ai passé ma jeunesse avec un grand sentiment d’abandon. Je ne peux pas vous dire dans quelle mesure il s’agissait d’un trouble de l’humeur. Tant que j’étais célibataire, je n’en tenais pas compte. Je naviguais seulement entre des vagues de hauts et bas et n’en pensais pas grand’chose. J’étais vraiment habituée à cette situation lorsque j’ai rencontré mon mari à l’âge de 19 ans. C’est seulement grâce à notre couple que j’en suis venue à m’accommoder de mes problèmes d’humeur. Toutefois, peu de temps avant notre rencontre, j’avais eu une consultation dans une clinique psychiatrique, me plaignant que je me sentais parfois incapable de me concentrer sur un point précis.
Je pense que j’avais 22 ans lorsque mes troubles ont ressurgi. A un moment, mon mari et moi avons consulté un psychologue. Nous avons parlé de mes changements d’humeur et des accès de nervosité, de colère et de dépression. Le moindre événement négatif qui surgissait était la cause d’une colère de longue durée, très difficile à étouffer. Nous avons parlé au psychologue de l’histoire de mon père, devenue alors plus longue et plus effrayante. Il a vraisemblablement fréquenté tous les établissemnts psychiatriques de chacun des états de la côte Est. À cette époque, ma grand-mère, sa mère, s’éteignait, perdant la longue bataille de sa vie contre la dépression chronique. Je ne connais pas très bien son cas, sauf qu’elle était tout le temps triste et qu’elle se laissait mourir de faim après la mort de son mari.
Ce psychologue dit que mon mari et moi avions besoin de perdre du poids, ce qui constitua sa seule indication. Nous ne l’avons pas revu. J’endurais alors la plupart des symptômes que je ressens aujourd’hui bien qu’ils se soient renforcés année après année. Parfois, je me sentais exaltée, ragaillardie, avec beaucoup d’énergie. Cela semble incroyable, mais vous pouvez éprouver le sentiment d’être si bien qu’il vous arrive, croyez-moi, de faire peur aux personnes de votre entourage ! Cet état s’accompagne de peu de sommeil et d’activités nocturnes. J’ai tendance à me mettre en colère ou à devenir agressive alors qu’il n’y a pas lieu, ou juste à parler trop fort. J’ai souvent un sentiment d’infériorité ou je me sens triste. J’ai parfois de grandes difficultés à me mettre au travail, une lourdeur qui m’empêche de bouger. J’ai des pensées rapides qui rendent la concentration difficile. J’ai des émotions fortes qui changent rapidement. J’ai tendance à être physiquement gauche. Je souffre d’éruptions cutanées et j’ai l’impression que je produis de l’électricité et que je sors mes griffes. Mon jugement est souvent de peu de valeur.
Ce fut au début de ma vingtaine d’années que j’ai pour la première fois utilisé du cannabis pour mon état. Je l’avais utilisé plusieurs fois, la première lorsque j’étais très jeune. Etant enfant, ma mère m’avait emmenée dans un centre psychiatrique après mes premiers signes de trouble. Après une séance de thérapie de groupe à cet endroit, j’étais allée me promener avec quelques-uns des autres enfants qui m’avaient donné un joint. Rien ne s’était passé et j’en avais tiré la conclusion qu’il s’agissait d’une drogue légère.
Lorsque je l’ai utilisé plus tard, je l’ai, en fait, préféré à l’alcool parce qu’il n’avait pas des effets aussi forts et aussi négatifs sur moi. C’est de cette manière que j’ai découvert qu’il agissait sur la plupart de mes symptômes. Supposez que je sois dans un accès de colère maniaque, le comportement le plus destructeur qui soit. Quelques bouffées de cette herbe et je peux être calme. Mon mari et moi avons tous deux remarqué cela. C’est spectaculaire. Une minute d’une rage hors de contrôle à propos d’un détail sans importance, ayant apparemment besoin d’une camisole de force et quelque part, au fond de moi, me demandant pourquoi cela arrive et pourquoi je ne suis pas capable de contrôler mes propres émotions. Puis, quelques minutes après, le temps de tirer quelques bouffées, je pourrais même, après une série d’excuses, me moquer de moi !
Mais cette herbe est illégale et j’ai un vif désir de respecter la loi. Un nouveau médicament, le carbonate de lithium, réussissait très bien à mon père. J’ai rendu visite à son médecin et il m’a conseillé de l’essayer. J’ai pris du lithium pendant six mois et expérimenté plusieurs effets secondaires désagréables : tremblements, éruptions cutanées, perte du contrôle de la parole. Mais je le prendrais encore si cela m’avait réussi comme à mon père. Cela lui a rendu la vie. Quant à moi, le moins que l’on puisse dire, c’est que mon état avait empiré.
La combinaison des effets secondaires du lithium et l’accroissement des symptômes maniaco-dépressifs m’ont fait revenir à l’usage du cannabis. Quelques années plus tard, j’ai essayé de m’en passer, cette fois à cause d’une pression sociale plus forte contre l’usage de drogues illégales. Ce fut une période très difficile pour ma famille. Chaque fois que débutait chez moi une période maniaque, mon mari et mon fils commençaient à avoir peur et à se faire tout-petits, ce qui engendrait la colère et faisait empirer les choses. Lorsque la dépression frappait, c’était une peur bleue dans la maison. Et je peux vous dire, d’après l’expérience avec mon père, que cela peut réelllement détruire une famille. Au bout d’un certain temps, le fait de savoir qu’un peu de marihuana m’aiderait beaucoup est devenu irrésistible. Au début, j’ai essayé de manger du cannabis, mais je suis vite revenue à la fumée parce que je pouvais mieux contrôler la dose.
Je ne me considère pas du tout comme une toxicomane. Je fais ce que toute personne raisonnable ferait dans ma situation. Le cannabis ne soigne pas mon état qui a probablement continué à s’aggraver au cours des années. Mais avec une utilisation judicieuse de cette médecine, je vais bien. Avec cette substance qui paraît si inoffensive comparée aux autres que j’ai essayées, y compris les tranquillisants aussi bien que le lithium, je peux peux contrôler les choses. Je crains constamment d’être coupée de ma source de marihuana ou d’être découverte en sa posession. Je pense que ma santé mentale peut dépendre d’elle. Le cannabis atténue ce qui me fait souffrir et me fait retourner à un état plus normal. Souvent, je ne ressens plus du tout une «ivresse», simplement un retour à la normale.
LE MARI DE CETTE PATIENTE TÉMOIGNE DE L’UTILITÉ DU CANNABIS :
J’ai vécu pendant vingt-six ans avec ma femme complètement maniaco- dépressive. Son père était un de ces maniaco-dépressifs classiques, dont les cas ont été bien étudiés et sur lesquels on a beaucoup écrit. C’est elle qui a hérité de cette maladie. Elle est adorable et comme je lui ai toujours sincèrement dit, elle a une personnalité parfaite, assombrie seulement par la maniaco-dépression.
J’ai toujours été d’un caractère paisible. Fumer de la marihuana m’endort. Je ne l’utilise jamais. Elle en a besoin sinon, je le jure, elle serait placée en milieu psychiatrique tout comme son père. Il n’y aurait pas d’autre solution.
Nous avons essayé le Marinol (dronabinol). Cela agit sur elle également, mais pour obtenir le même résultat qu’avec la marihuana, elle doit en prendre 10 mg six fois par jour, ce qui revient à 65 dollars par jour. Le pire, c’est que cela prend 45 minutes pour agir et que l’effet s’estompe en moins de de deux heures maximum. L’heure de la prise de la gélule doit être calculée minutieusement ou les symptômes réapparaissent. L’effet de la marihuana (fumée) dure un peu plus longtemps et, ce qui est plus important, est plus rapide.
Que fait la marihuana pour ma femme ? Elle «recentre» sa personnalité et ses réactions avec la famille proche reviennent à la normale : pas de hauts, pas de bas, du moins pas les hauts et les bas qui sont anormalement extrêmes et dont on peut dire qu’ils sont le fait d’une personne dérangée affectée d’une maladie maniaco-dépressive réelle. Les neuroleptiques l’anéantissent littéralement, agissant, sous la forme d’une bouteille, comme une lobotomie partielle. La marihuana n’a jamais cet effet ! Elle fait revenir à la normale, c’est tout. S’il y a une «overdose», ce qui est rare, cela n’est pas dangereux et l’effet est très court.
Hier, nous sommes allés dans le centre ville (une heure et demie de trajet dans un sens). Cependant, passer quelques heures sans la médecine peut s’avérer une calamité. La pire manifestation endurée. C’est la nature exacte de la maniaco-dépression. Vous vous attaquez à votre compagnon avec des soupçons et des accusations sans fondement, une agressivité sans raison. Cela suffit pour que l’on se déteste mutuellement. Cela n’a pas de sens. C’est pourquoi il s’agit d’un comportement fou. Si vous avez la chance, comme ma femme, votre compagnon comprend et vous ramène tout de suite à la maison pour fumer. Il arrivait que nous puisssions voyager, mais la police vous tombe dessus si fort que vous n’osez pas fumer un joint dans la voiture.
Je peux témoigner de la possibilité d’une vie pratiquement normale pour une personne maniaco-dépressive si elle peut obtenir de la bonne marihuana, une vie qui vous permet d’être presque toujours à la maison et qui peut être partagée avec un compagnon compréhensif.
VOICI LE RÉCIT D’UNE AUTRE FEMME SOUFFRANT DE MALADIE BIPOLAIRE ET QUI TROUVE QUE LE CANNABIS EST PLUS UTILE QUE LES MÉDICATIONS CONVENTIONNELLES :
Je suis une femme âgée de 35 ans souffrant d’une grave dépression maniaque. Enfant, j’étais hypersensible, je pleurais tout le temps et je me battais avec mes frères et ma soeur. Mes parents me disaient toujours qu’ils devaient me tenir avec des gants de velours. Je possédais plus d’énergie que quiconque et je l’utilisais à son maximum. J’étais une gymnaste agile et l’une des nageuses les plus rapides de l’école. J’étais aussi la meilleure de la classe en algèbre, bonne en expression artistique et en création littéraire. J’avais l’habitude de rester éveillée la nuit et d’inventer des histoires.
À l’âge de quatorze ans environ, mes sautes d’humeur devinrent plus intenses. J’étais agitée, remuante et constamment en lutte à la maison. Je restais éveillée la nuit et perdis beaucoup de poids. Finalement, j’ai craqué et je fus envoyée dans un centre psychiatrique où le diagnostic fut celui d’une maladie maniaco-dépressive. Ils me donnèrent du lithium et me dirent que je devrais en prendre toute la vie. Mais le lithium me rendait léthargique. J’avais du mal à communiquer et je perdis toute mon animation et ma créativité. Je finis par cesser d’en prendre. Récemment, j’ai également essayé le Tegretol (carbamazépine) et du Depakote (acide valproique). Aucun des deux ne me réussit. Le Tegretol fit démarrer un épisode maniaque et le Depatoke avait de très mauvais effets secondaires. J’aurais aimé trouver autre chose, mais je n’ai pas d’assurance maladie, ni l’argent pour essayer de trouver d’autres traitements.
Depuis l’âge de 14 ans, j’avais eu des épisodes maniaques régulièrement tous les six mois. Cela commençait toujours par une incapacité de dormir ou de manger. Au bout de deux semaines, j’étais épuisée et il me semblait être passée dans un autre monde. Habituellement, j’atterrissais dans un hôpital psychiatrique.
J’ai fumé de la marihuana pour la première fois au lycée et je ne pouvais pas croire au bien que cela me faisait. Mes sentiments normalement chaotiques disparaissaient et j’éprouvais une sensation soudaine de calme, de paix et de bien-être. Ma perception des autres et de la vie changeait d’une manière spectaculaire. Le monde ne me semblait plus hostile, mais davantage sous mon contrôle. Je m’endormais facilement et j’éprouvais en fait de grands désirs de nourriture. Il n’y avait pratiquement pas d’effets secondaires. Quand j’avais eu assez de marihuana, je m’arrêtais d’une manière naturelle parce que lorsque vous avez obtenu un certain résultat, vous n’en désirez réellement pas plus.
Seule, une personne maniaco-dépressive utilisant de la marihuana peut vraiment comprendre à quel point cela a changé la qualité de ma vie. Bien que ma famille ne soit pas au courant, ils m’aiment mieux en fait lorsque je suis «défoncée» que lorsque je prends du lithium ou rien du tout. Lorsque je suis défoncée, ils peuvent prévoir mes humeurs et en fait se rapprocher de moi. Mais je ne peux pas dire cela à ma famille ou aux médecins parce que c’est illégal. Pour aller bien, il me faut vivre une double vie.
J’ai souvent essayé de me sevrer de marihuana, mais chaque fois je souffre d’un épisode maniaque. L’année dernière, j’ai décidé que je devais pouvoir contrôler mes hauts et bas affectifs sans marihuana, mais cela m’a conduit à l’une des pires crises que j’ai jamais connues. J’avais eu des troubles du sommeil comme d’habitude. J’ai commencé à avoir une vision plus que claire qu’un tremblement de terre désastreux allait frapper Los Angeles. Je me sentais si bien que j’était certaine d’avoir raison. Très vite, j’ai pu convaincre ma compagne de chambre que nous n’avions pas beaucoup de temps et que nous devrions acheter autant de choses nécessaires que possible et ensuite partir. Nous pensions qu’après le tremblement, le nouvel Ordre Mondial prendrait place et que chacun aurait à prendre le nombre dont les Révélations parlent dans la Bible. Nous avions l’intention de partir au Salvador où habite sa famille et nous cacher pendant les trois années et demie suivantes. C’est fou ! Mais je le croyais réellement. Je détruisis toutes mes cartes de crédit, donnais ma démission, et emballais toutes mes affaires, y compris des déguisements dont je pensais que nous pourrions avoir besoin. Enfin de compte, je dus revenir à la maison sans travail et avec de grosses factures.
Je savais alors qu’il me faudrait revenir à la marihuana. Cela fait maintenant sept mois que j’ai recommencé à fumer et je ne sais pas quoi faire d’autre. Il me faut choisir entre obéir à la loi et être malade ou me mettre hors la loi et être bien.
J.P. EST UNE PROFESSIONNELLE DE LA SANTÉ ÂGÉE DE 45 ANS ET MÈRE D’UN GARCON DE VINGT ANS :
Fin 1994 et au début de 1995, mon fils Michael, âgé de 18 ans commença à ne plus se contrôler. Il était incapable de dormir, d’aller à l’école ou de se comporter d’une façon normale. Il n’arrêtait pas d’aller et venir, agissant par impulsions sans aucun sens de jugement normal. Il courait un grave danger de se blesser accidentellement, ou de blesser d’autres personnes. Il n’y avait pas moyen de le raisonner parce qu’il était incapable de penser ou d’écouter assez longtemps pour comprendre ce que vous étiez en train d’essayer de lui dire. Il était devenu une bombe humaine à retardement.
Puis, le 14 février 1995, il traversa une crise complète de folie psychotique et refusa d’être soigné. J’ai dù demander à la justice de l’interner dans un hôpital psychiatrique à Portland, dans le Maine, où le diagnostic fut celui d’une maladie maniaco-dépressive. Le père de Michael et, également, ma grand-mère souffraient tous deux de la même maladie qu’on appelle maintenant la maladie bipolaire.
Pendant les neuf jours passés à l’hôpital (le temps accordé par ma compagnie d’assurance), on administra à Michael du lithium et du Trilafon (perphénazine). Nous fùmes informés qu’il aurait besoin de lithium pendant le reste de sa vie. L’hôpital nous expliqua que cela marchait très bien chez 60% des patients souffrant de cette maladie.
Nous retournâmes à la maison et pendant un mois ou deux, la folie semblait avoir cessé. À la fin du second mois, le Trilafon fut abandonné, mais Michael continuait à prendre beaucoup de lithium. C’est alors qu’il souffrit d’une éruption cutanée sur le cou et la poitrine. Il avait aussi des cernes noirs sous les yeux et se montrait la plupart du temps incohérent. Le dosage du lithium dans le sang était exactement ce que le médecin désirait, mais maintenant il se comportant comme un patient souffrant de la maladie d’Alzheimer. Il ne pouvait pas lire ou comprendre un paragraphe et encore moins terminer ses études. Il était détaché de son environnement et de lui- même. Il ne restait pas de sentiment affectif en lui. Il était méconnaissable Sa personnalité avait toujours beaucoup ressemblé à celle du comédien Robin Williams et il était très sportif : skieur, joueur de foot-ball et haltérophile. Cela vous brisait le coeur de le voir s’enfoncer dans un état de stupeur due au médicament. Je finis par être convaincue que le lithium ne faisait pas disparaître la maladie mais que, au contraire, il noyait son cerveau afin que les symptômes ne soient pas activés. Je pouvais encore voir de minuscules sautes d’humeur et des moments de complète agitation mais dans un corps qui n’était pas capable de devenir hypomaniaque.
Michael décida de diminuer de moitié son lithium. je savais que cela pouvait être dangereux, mais j’étais d’accord que quelque chose devait être fait. Bientôt, il redevint lui-même, riant et parlant et presque de retour parmi les vivants. Puis, il commença à devenir plus agité et je sus que nous allions vers des difficultés. Il retrouvait l’énergie de quelqu’un capable de beaucoup de rapidité et cela dura pendant des mois. Il traversait la vie comme un étalon pur-sang pendant que je rassemblais tout ce qui était écrit sur la maladie maniaco-dépressive.
Puis, un jour, il vint à la maison et il était parfaitement normal à tous points de vue. Je pensais qu’il traversait peut-être une phase de rémission parce que cela se produit dans cette maladie et j’était ravie de cette possibilité. Plus tard, cette nuit là, il était à nouveau extrêmement agité et tout espoir sombra en moi. Cela continua pendant des semaines. Il y avait des moments où il était parfaitement normal, mais seulement pendant de courtes périodes. Je ne pouvais pas comprendre. Je commençais à noter son rythme de sommeil, ce qu’il mangeait, les différentes sortes de nourriture, quels médicaments il prenait, etc. Finalement, un jour, je découvrais qu’il fumait du cannabis. Naturellement, cela me stupéfia. Nous parlâmes longuement de la chose et il me dit à brusquemment : «je me sens normal que lorsque je fume un joint». À cette époque, j’était prête à rendre responsable de sa maladie le fait de fumer du cannabis. J’était totalement irrationnelle à cet égard. Michael et moi luttèrent constamment pendant un mois à ce sujet. Finalement, il me demanda de faire des recherches sur le cannabis et de lui faire connaître ce que je trouverais. Je pensais que je trouverais assez de renseignements contraires pour qu’on n’en parle plus. La semaine suivante fut ma semaine de découvertes. Non seulement, je ne pouvais pas trouver ce que je cherchais, mais je fus convaincue qu’il n’y avait pas de dommages permanents et que le cannabis pouvait en fait aider les personnes souffrant de troubles de l’humeur.
J’utilisais l’ordinateur pour parler à d’autres personnes souffrant de la maladie bipolaire et je fus submergée de récits émanant directement de personnes souffrant de cette maladie et relatifs au bien-être qu’elles tiraient de l’utilisation du cannabis.
La partie la plus difficile du problème était de réviser mon système des valeurs. En tant que citoyenne, j’avais été élevée dans un esprit d’obéissance à la loi. Bien que j’ai grandi dans les années soixante et que j’avais essayé le cannabis et inhalé, je n’étais jamais une consommatrice régulière parce que c’était illégal. J’ai bien élevé Michael. Je lui ai appris à respecter les personnes plus âgées, à faire ce que l’on est censé devoir faire et par dessus tout à suivre la loi.
C’est déjà assez dur de vivre avec un adolescent de 18 ans pendant une période de rébellion naturelle, mais être forcée de participer à une activité illégale est un scénario qui est absolument le pire. Mais c’est exactement ce que je fais. Mike fume du cannabis depuis deux mois maintenant. Il ne fume pas tous les jours, mais lorsque la phase maniaque commence il fume et en quelques minutes il est bien. Il n’apparaît jamais être «défoncé», seulement heureux et détendu. Nous n’avons plus affaire aux sautes d’humeur. Il peut travailler sur son programme d’études à domicile et je ne doute pas qu’il le termine d’ici à la fin de l’été. Avec un ami, il a réparé des nasses pour piéger des langoustes et passera une semaine à pêcher la langouste à la fin du mois d’avril.
Et maintenant, je m’attends à être arrêtée un jour parce que si Michael est arrêté, ils devront m’emmener avec lui. J’ai l’intention de cultiver cet été pour son usage. Je sais que je pourrais finir en prison, mais je sais également que sans une sorte de médication qui marche, c’est mon fils qui finira en prison, à l’hôpital ou qui mourra. Quel est mon choix ?
UN AUTRE RÉCIT D’UTILISATION DU CANNABIS PAR UNE PERSONNE SOUFFRANT DE MALADIE BIPOLAIRE MET L’ACCENT SUR LA DIMINUTION DES EFFETS SECONDAIRES DU LITHIUM :
J’ai 29 ans. Je suis né et j’ai été élevé en Caroline du Nord. Mes études supérieures se sont portées sur la Littérature anglaise, l’Informatique et le Droit. Je travaille maintenant comme consultant en technologie et écrivain, mais j’envisage de retourner dans une école supérieure. Je suis divorcé. Je mène une vie sociale raisonnablement active bien que le travail, en ce moment, absorbe une grande partie de mon temps.
C’est il y a cinq ans environ qu’un diagnostic de maladie bipolaire a été formulé à mon égard, alors que je fréquentais l’Ecole de Droit (un psychiatre avait essayé de poser ce diagnostic alors que j’étais étudiant), mais je pense que j’avais un trouble de l’humeur depuis longtemps. Il est certain que j’étais cliniquement déprimé à l’âge de 9 ans et ma première crise hypomaniaque survint à l’âge de 17 ans. Il y a aussi des troubles de l’humeur dans l’histoire familiale, surtout du côté de ma mère. Ses trois frères avaient des personnalités «mercuriales» et, en affaires, ils ont tous eu des succès retentissants et des échecs notables. Leurs extravagances et leurs personnalités extraverties sont proches de mon comportement lorsque je traverse une phase maniaque ou hypomaniaque. Bien qu’un diagnostic de troubles de l’humeur n’ait jamais été formulé à l’égard de mes parents, tous deux ont été soignés pour dépression clinique.
Avant d’être diagnostiqué et traité correctement, j’avais les symptômes typiques de la maladie bipolaire. Pendant les phases dépressives, j’étais en retrait, peu communicatif et j’avais des idées suicidaires. Je trouvais presque impossible de travailler à l’école ou au bureau. Pendant les phases hypomaniaques ou maniaques, je dépensais sans compter, je voyageais sans retenue à travers tout le pays (et le monde), je prenais des décisions personnelles et de travail de peu d’intérêt et des risques dans mon comportement sexuel, etc. La maladie a été cause de beaucoup de souffrance et de problèmes d’argent. Je me suis séparé de ma femme (qui a fini par divorcer) l’été précédant le diagnostic. J’ai perdu des emplois, détruit des amitiés et éloigné des membres de ma famille. Heureusement, avec le temps et la compréhension, une grande partie de ces dommages a été réparée. Je remercie Dieu que la ruine de mon crédit est le seul dommage apparent qui me reste.
Grâce au lithium et à une thérapie raisonnable, comprenant l’emploi judicieux de cannabis, je me suis montré relativement stable et sain pendant les trois dernières années, bien que mon sommeil soit souvent troublé et que je souffre encore (à un degré moindre) d’hypomanie et de dépression suivant le même cycle que précédemment.
J’ai d’abord utilisé le cannabis au cours de la première année à l’Université (1984). En tant que drogue, je le préférais à l’alcool et je l’utilisais plusieurs fois par semaine presque toujours en fumant (je préfère toujours le consommer de cette manière). En y repensant, il me semble clair que je pratiquais déjà alors de l’auto-médication pour des troubles bipolaires. Lorsque j’étais déprimé et angoissé, je trouvais que le cannabis était un calmant et renforçait mon aptitude à jouir de la vie. Lorsque je traversais une phase maniaque, cela me détendait et m’aidait à m’endormir. J’avais souvent le sentiment que je possédais tant d’énergie en moi que je pouvais sauter hors de ma peau. De ce point de vue, le cannabis m’a beaucoup aidé. Mais il y avait un à-côté dérangeant. Les maniaques ont un grand problème avec le contrôle des impulsions et le cannabis paraissait exacerber ce problème. («Une virée au Canada ? Bonne idée. Partons !»). Il déclenchait aussi une augmentation d’un degré ou deux d’une libido déjà trop active, ce qui n’était pas la chose la plus saine du monde.
Lorsque le diagnostic fut posé et que j’ai commencé le traitement avec le lithium, j’ai éprouvé un soulagement presque immédiat, mais je souffrais aussi de nausées, de prise de poids, de migraines, de tremblements des mains et d’une production excessive de salive. Un ami me suggéra d’essayer d’aller mieux, arguant du fait que si le cannabis aidait les patients suivant une chimiothérapie à diminuer leurs nausées et leur inconfort, il pouvait également m’aider. Mon médecin pensa que l’idée était absurde, mais admit que cela ne serait pas dangereux d’associer le cannabis au lithium. Alors, j’ai essayé et les résultats ont été remarquables. Le tremblement des mains disparut, les migraines aussi et l’usine à saliver revint à des niveaux de production normaux. Tout ce dont j’avais besoin était de tirer une ou deux bouffées d’une cigarette de marihuana. Alors que les effets secondaires du lithium font mal, la possibilité d’utiliser du cannabis fut un précieux don du ciel. C’est également bien de consommer du cannabis en tant qu’euphorisant, sachant que contrairement à la combinaison du lithium et de l’alcool, cela ne peut pas endommager les reins.
Tous ceux qui parmi les milliers d’Américains consommant de la marihuana en tant que médecine courent le risque d’être arrêtés. Ils doivent s’inquiéter d’une ruine financière, de la perte d’une carrière, de la saisie de leur automobile ou de leur maison. Certains ont un fardeau supplémentaire parce que les mises en garde des programmes scolaires obligatoires relatifs aux drogues et celles des «Parents partisans d’une Amérique Sans Drogues» ont donné à leurs enfants une idée exagérée des dangers de l’usage de la marihuana. Nombre de ces enfants se soucient de la santé et du bien-être de leurs parents qui consomment de la marihuana. Certains d’entre eux ont été arrêtés parce que leurs enfants inquiets en ont parlé aux officiers de police qui servent d’instructeurs dans le cadre du programme éducatif populaire sur les droques connu sous le nom de DARE (Drug Abuse Resistance Education = Education à la Résistance contre l’abus des droques).
LES RÉCITS SUIVANTS SONT LE FAIT D’UN INFORMATICIEN DE 40 ANS ET DE SA FEMME ÂGÉE DE 37 ANS SOUFFRANT D’UNE MALADIE BIPOLAIRE. IL RACONTE D’ABORD :
Ma femme et moi, et nos deux garçons, vivons à Tyngsboro dans le Massachussets. Ma femme fut diagnostiquée en 1982 comme soufrant de maladie bipolaire et a pris du lithium depuis 1992. Elle utilise également de la marihuana pour ses symptômes. Elle a rencontré six psychiatres au cours des 14 dernières années et a été interrogée par beaucoup d’autres. Je leur ai toujours dit qu’elle utilisait de la marihuana régulièrement et aucun d’entre eux ne lui a dit de s’arrêter. Ils ne semblaient pas y prendre garde ou y faire attention.
J’ai fait passer une question à ce sujet sur Internet au journal s’occupant des aides alternatives à la dépression. J’ai demandé si les médecins connaissaient quelque chose au sujet de la marihuana mais ne pouvaient la recommander parce qu’elle est illégale. Les réponses furent variées. Cependant, la plupart des personnes maniaco-dépressives me dirent que la marihuana les aidait et l’une d’entre elles me dit que quelques médecins considéraient qu’elle avait un effet réel pour contrôler les troubles de l’humeur.
Ma femme se porte beaucoup mieux lorsqu’elle utilise de la marihuana. Lorsqu’elle est hypomaniaque, cela la détend, l’aide à dormir et ralentit son discours. Quand elle est déprimée et dans un état où elle pourrait passer toute sa journée au lit, la marihuana la rend plus active. Quand elle vient à en manquer qu’elle ne peut en obtenir, elle devient plus irritable et difficile à vivre. Le lithium agit également mais il ne la contrôle pas toujours.
Notre dilemme est que notre garçon de 13 ans a suivi le programme DARE et qu’il a été informé des dangers des drogues et de l’alcool. Il s’oppose à tout usage de substance, légale ou illégale, et je suis d’accord. Mais, il sait que ma femme utilise de la marihuana et cela le «dévore» bien qu’il soit aussi au courant de sa maladie et du fait que la marihuana l’aide. Il est compréhensible que tout cela engendre de la confusion chez lui.
Je crois que la marihuana pourrait aider certaines personnes si on pouvait en obtenir sur prescription médicale. Il existe certainement d’autres solutions sanitaires et sociales et je ne peux pas décider ce qui serait bon pour le pays dans son ensemble. Tout ce que je sais, c’est que dans notre famille, elle nous a soulagé de beaucoup de souffrance.
MAINTENANT SA FEMME :
J’ai 37 ans et j’utilise la marihuana depuis vingt ans. J’ai eu un diagnostic de maladie bipolaire en 1982. Je prends du lithium et du Wellbutrin (buproprion) bien que je n’aime pas ces médicaments. J’ai grossi de vingt kilos depuis que j’ai commencé à prendre du lithium, mais autrement je ne souffre pas d’effets secondaires.
Mon fils de 13 ans est au courant de ma maladie. Il est également au courant depuis cinq ans du fait que je fume de la marihuana. Il a compris ce que je faisais après avoir participé au programme DARE à l’école. Cela me contrarie lorsqu’il revient à la maison, me dit qu’ils ont parlé de drogues et qu’il pense que sa mère est «une droguée». Il ne veut pas que quiconque sache que j’en suis une et jusqu’à maintenant, nous avons gardé cela comme notre secret. Je ne pense pas qu’il en parle à quelqu’un, mais je crains que quelque chose ne lui échappe. Parfois, ces programmes utilisent des trucs pour que les enfants parlent de leurs amis et parents. Ils disent : «Si vous aimez réellement cette personne, le seul moyen d’aider est de nous en avertir». Mon mari a parlé avec lui de ce problème. Il lui a expliqué que le lithium et les autres médications que je prends sont des drogues. Il lui a également expliqué que de nombreux médicaments légaux sont beaucoup plus dangereux que la marihuana et que personne n’est jamais mort à cause de son utilisation. Mais mon fils persiste à dire que si c’est illégal, c’est mal. Cela me contrarie tellement que j’ai envisagé d’arrêter.
Le problème est que lorsque je me sens fatiguée et épuisée, il suffit de deux bouffées de marihuana pour me ramener à la vie. Parfois, je pense que cela m’amène à un niveau de normalité que les autres atteignent naturellement. D’autres fois, lorsque tout me semble tourbillonner autour de moi et que je ne peux mémoriser ce que je pense ou ce que je dis, la marihuana semble juste ralentir un peu le monde. Quand j’ai des troubles du sommeil, cela m’aide à tomber de fatigue et si j’ai du mal à me réveiller, cela me ramène à la vie. Je n’aime pas l’idée que je puisse être considérée comme une «mère toxicomane», mais je pense qu’en fait je suis une meilleure mère quand je me contrôle à l’aide de la marihuana.
Conclusions
Aujourd’hui, le cannabis est en quelque sorte dans une position analogue à celle du lithium en 1949 lorsque J.F.J. Cade, après avoir observé son effet sédatif sur des cobayes, l’administra à ses patients souffrant phases maniaques récurrente. Son article «Sels de Lithium dans le Traitement des Excitations Psychotiques» présentait dix cas cliniques de la longueur d’un paragraphe et ces preuves anecdotiques et irrésistibles attirèrent l’attention des psychiatres du monde entier parce qu’il n’existait pas de traitement adéquat de la maladie bipolaire. Dans son article, Cade (1949) mentionnait la nécessité d’«observations contrôlées d’un nombre suffisant de patients traités et non traités». En 1951, Noack et Trautner poursuivirent son travail et rédigèrent un rapport sur le traitement de trente autres patients souffrant «seulement de manie». Ils faisaient cependant remarquer que tous les patients ne s’amélioraient pas, que nombreux étaient ceux qui arrêtaient le traitement et «qu’il n’apparaissait pas justifié d’accepter le traitement de la manie comme invariablement sans danger» (Noack & Trautner, 1951).
En 1954, Schou et ses collègues publiaient une étude contrôlée dans laquelles ils alternaient le lithium et un placebo à deux semaines d’intervalle. Le lithium était clairement bénéfique pour 12 patients, 15 montraient une amélioration qui n’était «pas aussi tranchée» et trois ne s’amélioraient pas du tout. Schou et ses collègues trouvèrent «plutôt étonnant que (le succès du lithium) ait échoué à éveiller un intérêt plus grand chez les psychiatres». Une explication offerte était son pourcentage thérapeutique bas. Une autre explication était «les difficultés rencontrées dans les essais d’informer les autres d’une manière quantitative… sur les résultats d’une nouvelle thérapie psychiatrique», c’est-à-dire de passer de renseignements anecdotiques à des études contrôlées (Schou et al.; 1954). Mais il y avait une raison encore plus importante pour le retard de l’acceptation du lithium aux Etats-Unis. Dans ce pays, les médicaments sont élaborés par des laboratoires pharmaceutiques qui investissent dans les études nécessaires pour le visa officiel. Ils font cela parce qu’ils reçoivent une licence d’exploitation pour le nouveau médicament (d’une durée de 17 ans dans les années cinquante), ce qui leur permet d’amortir leurs recherches. Naturellement, les sels de lithium ne pouvaient pas être patentés.
Des obstacles similaires se rencontrent dans l’usage du cannabis aujourd’hui. Suite à son utilisation comme substitut du sel pour les malades cardiaques dans les années quarante, le lithium avait acquis une réputation de toxicité. Il s’était produit un certain nombre de décès avant que ses dangers ne soient entièrement reconnus et, aujourd’hui, les dosages sanguins sont effectués soigneusement. À cause de son usage non médical, le cannabis a également une réputation de toxicité, non méritée dans ce cas. Il n’était pas possible de patenter le lithium et il en va de même pour le cannabis. En fin de compte, de même que pour les preuves pour le lithium en 1949, les preuves actuelles de la valeur thérapeutique du cannabis sont anecdotiques. Bien qu’il ait été, de manière répétée, considéré comme un traitement des troubles affectifs dans la littérature médicale occidentale lorsque Jacques-Joseph Moreau de Tours (1857) le recommandait pour la mélancolie, il existe dans la littérature médicale peu de recherches sur l’emploi du cannabis en tant que stabilisateur de l’humeur (voir Parker & Wrigley 1950, Pond 1948, Stockings, 1947).
Aujourd’hui, les médicaments doivent subir, avant d’être mis sur le marché an tant que tels, des tests longs, rigoureux et onéreux pour obtenir l’accord de la «Food & Drug Administration» (FDA). Le but de ces tests est de protéger le consommateur en établissant à la fois la non-toxicité et l’efficacité. Pour commencer, la non-toxicité (ou plutôt la toxicité réduite) est établie par le biais d’expériences sur les animaux puis sur les humains. Ensuite, des études contrôlées, en double aveugle, sont entreprises pour déterminer si le médicament a plus d’effet qu’un placebo et est au moins aussi utile qu’un autre médicament disponible sur le marché. Etant donné que la différence entre médicament et placebo peut être mince, il est nécessaire de disposer d’un grand nombre de patients pour un résultat statistiquement significatif. Parce qu’aucun médicament n’est tout à fait anodin (non-toxique) ou toujours efficace, un médicament approuvé par la FDA a en principe satisfait une analyse bénéfice-risque. Lorsque les médecins délivrent une ordonnance à des patients individuels, ils effectuent une analyse informelle semblable, tenant compte non seulement de la non-toxicité et de l’efficacité globales, mais des risques et bénéfices pour un patient donné dans une situation donnée. Les procédures formelles d’approbation des médicaments aident à fournir aux médecins les informations nécessaires pour faire cette analyse.
Toutefois, le recours aux procédures formelles peut nous avoir amenés à sous-estimer les preuves anecdotiques. Ceux qui édictent les règlements aujourd’hui ont tendance à accepter l’expérience de médecins et de patients comme preuves d’effets contraires, mais pas comme preuves d’effets thérapeutiques (Lasagna, 1985). Pourtant des récits de cas et l’expérience clinique sont à la source d’une grande partie de notre savoir concernant les médicaments synthétiques aussi bien que les dérivés de plantes. Des expériences contrôlées n’ont pas été nécessaires pour reconnaître le potentiel thérapeutique de l’hydrate de chloral, des barbituriques, de l’aspirine, du curare, de l’insuline ou de la pénicilline. Plus récemment, les emplois du propranolol pour l’angine de poitrine et l’hypertension, du diazépam pour l’épilepsie et de l’imipramine pour l’énurésie infantile ont été découverts de la même manière, bien que ces médicaments aient été initialement approuvés à d’autres fins.
Une source rapportée de preuves est la méthode expérimentale sous le nom de "N of 1". Il s’agit d’essais cliniques au hasard sur un seul patient. C’est le genre d’expériences utilisées par Schou et ses collègues (1954) au cours duquel un traitement actif et un placebo sont administrés en alternance ou successivement à un patient. Cette méthode est souvent utilisée lorsque des études contrôlées d’envergure sont impossible ou inappropriées parce que la maladie est rare, le patient atypique ou la réponse au traitement particulière. Plusieurs patients que les auteurs ont rencontrés ont effectué des expériences quelque peu similaires sur eux-mêmes. Ils alternaient des périodes d’usage du cannabis avec des périodes de sevrage et s’apercevaient que le cannabis donnait des résultats.
Le défaut particulier à la preuve anecdotique est le risque de compter les succès et d’ignorer les échecs. Si de nombreuses personnes souffrent de dépression clinique prennent, après un traitement raté à l’aide d’anti-dépresseurs conventionnels, disons l’Evangile de Saint-Jean et que certains guérissent, ceux-là sortent du lot et attirent l’attention. La maladie bipolaire est un état cyclique et il est donc naturel d’éviter la confusion entre une rémission naturelle et une amélioration due au médicament. A l’heure actuelle, nous ne savons pas combien de patients souffrant de maladie bipolaire tireraient un bénéfice du cannabis. Les preuves anecdotiques prometteuses indiquent la nécessité d’une recherche clinique systématique tout comme cela se passa il y a cinquante ans avec le lithium.
Des milliers d’années d’usage répandu, de même que la recherche récente visant à découvrir les effets toxiques, ont établi clairement que le cannabis est une drogue inhabituellement non-toxique. En fait, sa non-toxicité à long terme est mieux établie que celle de l’Evangile de Saint-Jean. Pourtant, contrairement à l’Evangile de Saint-Jean, le cannabis serait soumis à des régulations gouvernementales qui exigent plus de temps et des tests nécessaires de non-toxicité. La classification du cannabis en tant que drogue (Tableau 1) crée d’autres obstacles à la recherche clinique. Mais étant donné le désintérêt des laboratoires pharmaceutiques, il n’existe pas de perspectives immédiates pour que de telles études soient entreprises même si les obstacles politiques disparaissent. Nous sommes face à la possibilité comparable au supplice de Tantale que le cannabis (ou l’une ou plusieurs de ses molécules cannabinoïdes) soit utile dans le traitement de la maladie bipolaire et le triste savoir que dans les circonstances présentes, il n’est pas possible de faire grand-chose pour explorer ce potentiel.
RÉFÉRENCES
CADE, J.F.J. 1949. Lithium salts in the treatment of psychotic excitement. Medical Journal of Australia, September 3 : 349-52.
GRINSPOON L. & Bakalar J.B., 1997. Marihuana, The Forbidden Medecine. Édition revue et complétée. New Haven : Yale University Press.
LASAGNA L., 1985. Clinical trials in the natural environment. In : C. STIECHELE W., Abshagen & J. Koch-Weser (Eds.) Drugs between. Research and Regulations. New-York : Springler Verlag.
MOREAU DE TOURS J.J., 1857. Lypemanie avec stupeur, Tendance à la démence, traitement par l’extrait (principe résineux) de cannabis indica, guérison. Lancette Gazette Hôpital 30 : 391.
NOACK, C.H. & TRAUTNER E.M., 1951. The lithium treatment of maniacal psychosis. Medical Journal of Australia. August 18 : 219-22.
PARKER C.S. & WRIGLEY F.W., 1950. Synthetic cannabis preparations in psychiatry : I. Synhexyl. Journal of Mental Science 96 : 276-79.
POND D.A., 1948. Psychological effects in depressive patients of the marihuana homologue syndexyl. Journal of Neurology, Neurosurgery and Psychiatry 1 1 : 279.
SCHOU M., JUEL-NIELSEN J., STRîMGREN E. & VOLDBY H., 1954. The treatment of manic psychoses by the administration of lithium salts. Journal of Neurology, Neurosurgery and Psychiatry 17 : 250.
STOCKINGS G.T., 1947. A new euphorisant for depressive mental states. British Medical Journal 1 : 918-22.
Anecdotal Evidence and the Need for Clinical Research
Utilisation du canabis en tant que stabilisateur de l’humeur dans la maladie bipolaire
Études de cas et nécessité d’une recherche clinique par Lester Grinspoon, docteur en Médecine, et James B. Bakalar
Publiées dans le «Journal of Psychoactive Drugs, Volume 30 (2) Avril-Juin 1998, pp.171-177
Introduction
Les auteurs décrivent des cas cliniques indiquant qu’un certain nombre de patients ont le sentiment que le cannabis (marihuana) est utile dans le traitement de leur maladie bipolaire. Certains l’ont utilisé pour traiter la phase maniaque, celle de dépression ou les deux. Ils disent qu’il est plus actif que les médicaments conventionnels ou qu’il aide à soulager les effets secondaires de ces médicaments. Une patiente a découvert que le cannabis freinait ses épisodes maniaques et son mari a travaillé pour qu’il soit légalement disponible pour un usage médical. D’autres patients ont décrit l’usage du cannabis comme un complément au lithium (permettant une consommation réduite) ou pour en soulager les effets secondaires. Un autre cas illustre le fait que les usagers de cannabis médical sont susceptibles d’être arrêtés, surtout lorsque certains programmes de prévention contre la droque encouragent les enfants à dénoncer leurs parents. Une analogie se révèle entre le statut du cannabis aujourd’hui et celui du lithium au début des années 1950 lorsque les effets de ce dernier sur les états maniaques ont été découverts à un moment où il n’existait pas d’études contrôlées. Dans le cas du cannabis, la loi a rendu ces études presque impossibles et les seules preuves disponibles sont anecdotiques. Malheureusement, compte tenu des contingences actuelles, la valeur du cannabis en tant que traitement de la maladie bipolaire ne peut pas être totalement étudiée.
NOTE DE L’ÉDITEUR : l’article suivant se fonde en partie sur les études décrites dans l’édition revue et complétée de l’ouvrage de l’auteur : Marihuana, Le Médicament Interdit, republié en 1997 par les éditions de l’Université de Yale à New Haven et à Londres. Bien que les études de cas aient déjà été publiées, elles servent de références à l’exposé des auteurs quant à la valeur du rôle du cannabis dans le traitement de la maladie bipolaire ainsi que cela apparaît dans cette publication spécialisée. Dans leur ouvrage révisé et complété, Grinspoon et Bakalar étudient largement ce qu’ils dénomment «usages médicaux courants» du cannabis et «usages médicaux moins courants». Les premiers comprennent le traitement des nausées et des vomissements relatifs à la chimiothérapie spécifique du cancer, ainsi que celui du glaucome, de l’épilepsie, des spasmes musculaires attachés à la sclérose en plaques, à la paraplégie et la quadriplégie, au syndrome de perte de poids dù au SIDA, à la douleur chronique, la migraine, les rhumatismes, le prurit, le syndrome prémenstruel (PMS), les crampes menstruelles, les douleurs de l’accouchement, la dépression et autres troubles de l’humeur. Les seconds comprennent le traitement de l’asthme, de l’insomnie, des effets des antibiotiques, des anesthésiques actuels, des médicaments anti-tumoraux, des dystonies, de l’ADD adulte (Attention Deficit Disorder. En français : THADA = Troubles Hyperactifs Avec Deficit d’Attention), de la schizophrénie, des scléroses internes, de la maladie de Crohn, du diabète, des pseudo-tumeurs du cerveau, des acouphènes, de la violence, du PTSD (Post Traumatic Stress Disorder = état de stress post-traumatique), de la douleur attachée au membre fantôme, de l’alcoolisme et autres dépendances, des phases terminales et du vieillissement.
Dans la maladie bipolaire ou maladie maniaco-dépressive, une dépression majeure alterne avec une exaltation incontrôlable. Les symptômes de la dépression comprennent la perte d’intérêt et celle du plaisir de vivre, la tristesse, la culpabilité irraisonnée, l’inaptitude à la concentration, la perte de l’appétit, la léthargie et la fatigue chronique. Les symptômes maniaques comprennent l’insomnie, l’infatiguabilité (jusqu’à ce que l’épuissement aboutisse à l’écroulement) et un comportement audacieusement grégaire et expansif, qui se transforme parfois en irritabilité, rage ou hallucinations paranoiaques. La maladie bipolaire est principalement traitée à l’aide de sels de lithium et de médicaments anti-convulsifs, qui peuvent avoir des effets secondaires graves. 30% à 40 % des patients présentant des troubles bipolaires ne sont pas vraiment aidés par les médications courantes ou ne peuvent pas les supporter. Les études des auteurs sur l’emploi médical du cannabis (Grinspoon et Bakalar, 1997), révèlèrent qu’un certain nombre de patients étaient persuadés que la marihuana avait plus d’effet que les médicaments courants anti-maniaques ou encore qu’ils l’utilisaient pour les soulager des effets secondaires du lithium.
NOTRE PREMIER RÉCIT A ÉTÉ ECRIT PAR UNE FEMME ÂGÉE DE 47 ANS :
Je suis née le vendredi 13 octobre 1950, quelques mois avant que mon père eut son premier accès de dépression maniaque. Ma mère me raconta qu’il se saisissait d’objets d’art de valeur qu’ils possédaient et qu’il les jetait dans le vide-ordures de leur appartement new-yorkais.
J’ai passé ma jeunesse avec un grand sentiment d’abandon. Je ne peux pas vous dire dans quelle mesure il s’agissait d’un trouble de l’humeur. Tant que j’étais célibataire, je n’en tenais pas compte. Je naviguais seulement entre des vagues de hauts et bas et n’en pensais pas grand’chose. J’étais vraiment habituée à cette situation lorsque j’ai rencontré mon mari à l’âge de 19 ans. C’est seulement grâce à notre couple que j’en suis venue à m’accommoder de mes problèmes d’humeur. Toutefois, peu de temps avant notre rencontre, j’avais eu une consultation dans une clinique psychiatrique, me plaignant que je me sentais parfois incapable de me concentrer sur un point précis.
Je pense que j’avais 22 ans lorsque mes troubles ont ressurgi. A un moment, mon mari et moi avons consulté un psychologue. Nous avons parlé de mes changements d’humeur et des accès de nervosité, de colère et de dépression. Le moindre événement négatif qui surgissait était la cause d’une colère de longue durée, très difficile à étouffer. Nous avons parlé au psychologue de l’histoire de mon père, devenue alors plus longue et plus effrayante. Il a vraisemblablement fréquenté tous les établissemnts psychiatriques de chacun des états de la côte Est. À cette époque, ma grand-mère, sa mère, s’éteignait, perdant la longue bataille de sa vie contre la dépression chronique. Je ne connais pas très bien son cas, sauf qu’elle était tout le temps triste et qu’elle se laissait mourir de faim après la mort de son mari.
Ce psychologue dit que mon mari et moi avions besoin de perdre du poids, ce qui constitua sa seule indication. Nous ne l’avons pas revu. J’endurais alors la plupart des symptômes que je ressens aujourd’hui bien qu’ils se soient renforcés année après année. Parfois, je me sentais exaltée, ragaillardie, avec beaucoup d’énergie. Cela semble incroyable, mais vous pouvez éprouver le sentiment d’être si bien qu’il vous arrive, croyez-moi, de faire peur aux personnes de votre entourage ! Cet état s’accompagne de peu de sommeil et d’activités nocturnes. J’ai tendance à me mettre en colère ou à devenir agressive alors qu’il n’y a pas lieu, ou juste à parler trop fort. J’ai souvent un sentiment d’infériorité ou je me sens triste. J’ai parfois de grandes difficultés à me mettre au travail, une lourdeur qui m’empêche de bouger. J’ai des pensées rapides qui rendent la concentration difficile. J’ai des émotions fortes qui changent rapidement. J’ai tendance à être physiquement gauche. Je souffre d’éruptions cutanées et j’ai l’impression que je produis de l’électricité et que je sors mes griffes. Mon jugement est souvent de peu de valeur.
Ce fut au début de ma vingtaine d’années que j’ai pour la première fois utilisé du cannabis pour mon état. Je l’avais utilisé plusieurs fois, la première lorsque j’étais très jeune. Etant enfant, ma mère m’avait emmenée dans un centre psychiatrique après mes premiers signes de trouble. Après une séance de thérapie de groupe à cet endroit, j’étais allée me promener avec quelques-uns des autres enfants qui m’avaient donné un joint. Rien ne s’était passé et j’en avais tiré la conclusion qu’il s’agissait d’une drogue légère.
Lorsque je l’ai utilisé plus tard, je l’ai, en fait, préféré à l’alcool parce qu’il n’avait pas des effets aussi forts et aussi négatifs sur moi. C’est de cette manière que j’ai découvert qu’il agissait sur la plupart de mes symptômes. Supposez que je sois dans un accès de colère maniaque, le comportement le plus destructeur qui soit. Quelques bouffées de cette herbe et je peux être calme. Mon mari et moi avons tous deux remarqué cela. C’est spectaculaire. Une minute d’une rage hors de contrôle à propos d’un détail sans importance, ayant apparemment besoin d’une camisole de force et quelque part, au fond de moi, me demandant pourquoi cela arrive et pourquoi je ne suis pas capable de contrôler mes propres émotions. Puis, quelques minutes après, le temps de tirer quelques bouffées, je pourrais même, après une série d’excuses, me moquer de moi !
Mais cette herbe est illégale et j’ai un vif désir de respecter la loi. Un nouveau médicament, le carbonate de lithium, réussissait très bien à mon père. J’ai rendu visite à son médecin et il m’a conseillé de l’essayer. J’ai pris du lithium pendant six mois et expérimenté plusieurs effets secondaires désagréables : tremblements, éruptions cutanées, perte du contrôle de la parole. Mais je le prendrais encore si cela m’avait réussi comme à mon père. Cela lui a rendu la vie. Quant à moi, le moins que l’on puisse dire, c’est que mon état avait empiré.
La combinaison des effets secondaires du lithium et l’accroissement des symptômes maniaco-dépressifs m’ont fait revenir à l’usage du cannabis. Quelques années plus tard, j’ai essayé de m’en passer, cette fois à cause d’une pression sociale plus forte contre l’usage de drogues illégales. Ce fut une période très difficile pour ma famille. Chaque fois que débutait chez moi une période maniaque, mon mari et mon fils commençaient à avoir peur et à se faire tout-petits, ce qui engendrait la colère et faisait empirer les choses. Lorsque la dépression frappait, c’était une peur bleue dans la maison. Et je peux vous dire, d’après l’expérience avec mon père, que cela peut réelllement détruire une famille. Au bout d’un certain temps, le fait de savoir qu’un peu de marihuana m’aiderait beaucoup est devenu irrésistible. Au début, j’ai essayé de manger du cannabis, mais je suis vite revenue à la fumée parce que je pouvais mieux contrôler la dose.
Je ne me considère pas du tout comme une toxicomane. Je fais ce que toute personne raisonnable ferait dans ma situation. Le cannabis ne soigne pas mon état qui a probablement continué à s’aggraver au cours des années. Mais avec une utilisation judicieuse de cette médecine, je vais bien. Avec cette substance qui paraît si inoffensive comparée aux autres que j’ai essayées, y compris les tranquillisants aussi bien que le lithium, je peux peux contrôler les choses. Je crains constamment d’être coupée de ma source de marihuana ou d’être découverte en sa posession. Je pense que ma santé mentale peut dépendre d’elle. Le cannabis atténue ce qui me fait souffrir et me fait retourner à un état plus normal. Souvent, je ne ressens plus du tout une «ivresse», simplement un retour à la normale.
LE MARI DE CETTE PATIENTE TÉMOIGNE DE L’UTILITÉ DU CANNABIS :
J’ai vécu pendant vingt-six ans avec ma femme complètement maniaco- dépressive. Son père était un de ces maniaco-dépressifs classiques, dont les cas ont été bien étudiés et sur lesquels on a beaucoup écrit. C’est elle qui a hérité de cette maladie. Elle est adorable et comme je lui ai toujours sincèrement dit, elle a une personnalité parfaite, assombrie seulement par la maniaco-dépression.
J’ai toujours été d’un caractère paisible. Fumer de la marihuana m’endort. Je ne l’utilise jamais. Elle en a besoin sinon, je le jure, elle serait placée en milieu psychiatrique tout comme son père. Il n’y aurait pas d’autre solution.
Nous avons essayé le Marinol (dronabinol). Cela agit sur elle également, mais pour obtenir le même résultat qu’avec la marihuana, elle doit en prendre 10 mg six fois par jour, ce qui revient à 65 dollars par jour. Le pire, c’est que cela prend 45 minutes pour agir et que l’effet s’estompe en moins de de deux heures maximum. L’heure de la prise de la gélule doit être calculée minutieusement ou les symptômes réapparaissent. L’effet de la marihuana (fumée) dure un peu plus longtemps et, ce qui est plus important, est plus rapide.
Que fait la marihuana pour ma femme ? Elle «recentre» sa personnalité et ses réactions avec la famille proche reviennent à la normale : pas de hauts, pas de bas, du moins pas les hauts et les bas qui sont anormalement extrêmes et dont on peut dire qu’ils sont le fait d’une personne dérangée affectée d’une maladie maniaco-dépressive réelle. Les neuroleptiques l’anéantissent littéralement, agissant, sous la forme d’une bouteille, comme une lobotomie partielle. La marihuana n’a jamais cet effet ! Elle fait revenir à la normale, c’est tout. S’il y a une «overdose», ce qui est rare, cela n’est pas dangereux et l’effet est très court.
Hier, nous sommes allés dans le centre ville (une heure et demie de trajet dans un sens). Cependant, passer quelques heures sans la médecine peut s’avérer une calamité. La pire manifestation endurée. C’est la nature exacte de la maniaco-dépression. Vous vous attaquez à votre compagnon avec des soupçons et des accusations sans fondement, une agressivité sans raison. Cela suffit pour que l’on se déteste mutuellement. Cela n’a pas de sens. C’est pourquoi il s’agit d’un comportement fou. Si vous avez la chance, comme ma femme, votre compagnon comprend et vous ramène tout de suite à la maison pour fumer. Il arrivait que nous puisssions voyager, mais la police vous tombe dessus si fort que vous n’osez pas fumer un joint dans la voiture.
Je peux témoigner de la possibilité d’une vie pratiquement normale pour une personne maniaco-dépressive si elle peut obtenir de la bonne marihuana, une vie qui vous permet d’être presque toujours à la maison et qui peut être partagée avec un compagnon compréhensif.
VOICI LE RÉCIT D’UNE AUTRE FEMME SOUFFRANT DE MALADIE BIPOLAIRE ET QUI TROUVE QUE LE CANNABIS EST PLUS UTILE QUE LES MÉDICATIONS CONVENTIONNELLES :
Je suis une femme âgée de 35 ans souffrant d’une grave dépression maniaque. Enfant, j’étais hypersensible, je pleurais tout le temps et je me battais avec mes frères et ma soeur. Mes parents me disaient toujours qu’ils devaient me tenir avec des gants de velours. Je possédais plus d’énergie que quiconque et je l’utilisais à son maximum. J’étais une gymnaste agile et l’une des nageuses les plus rapides de l’école. J’étais aussi la meilleure de la classe en algèbre, bonne en expression artistique et en création littéraire. J’avais l’habitude de rester éveillée la nuit et d’inventer des histoires.
À l’âge de quatorze ans environ, mes sautes d’humeur devinrent plus intenses. J’étais agitée, remuante et constamment en lutte à la maison. Je restais éveillée la nuit et perdis beaucoup de poids. Finalement, j’ai craqué et je fus envoyée dans un centre psychiatrique où le diagnostic fut celui d’une maladie maniaco-dépressive. Ils me donnèrent du lithium et me dirent que je devrais en prendre toute la vie. Mais le lithium me rendait léthargique. J’avais du mal à communiquer et je perdis toute mon animation et ma créativité. Je finis par cesser d’en prendre. Récemment, j’ai également essayé le Tegretol (carbamazépine) et du Depakote (acide valproique). Aucun des deux ne me réussit. Le Tegretol fit démarrer un épisode maniaque et le Depatoke avait de très mauvais effets secondaires. J’aurais aimé trouver autre chose, mais je n’ai pas d’assurance maladie, ni l’argent pour essayer de trouver d’autres traitements.
Depuis l’âge de 14 ans, j’avais eu des épisodes maniaques régulièrement tous les six mois. Cela commençait toujours par une incapacité de dormir ou de manger. Au bout de deux semaines, j’étais épuisée et il me semblait être passée dans un autre monde. Habituellement, j’atterrissais dans un hôpital psychiatrique.
J’ai fumé de la marihuana pour la première fois au lycée et je ne pouvais pas croire au bien que cela me faisait. Mes sentiments normalement chaotiques disparaissaient et j’éprouvais une sensation soudaine de calme, de paix et de bien-être. Ma perception des autres et de la vie changeait d’une manière spectaculaire. Le monde ne me semblait plus hostile, mais davantage sous mon contrôle. Je m’endormais facilement et j’éprouvais en fait de grands désirs de nourriture. Il n’y avait pratiquement pas d’effets secondaires. Quand j’avais eu assez de marihuana, je m’arrêtais d’une manière naturelle parce que lorsque vous avez obtenu un certain résultat, vous n’en désirez réellement pas plus.
Seule, une personne maniaco-dépressive utilisant de la marihuana peut vraiment comprendre à quel point cela a changé la qualité de ma vie. Bien que ma famille ne soit pas au courant, ils m’aiment mieux en fait lorsque je suis «défoncée» que lorsque je prends du lithium ou rien du tout. Lorsque je suis défoncée, ils peuvent prévoir mes humeurs et en fait se rapprocher de moi. Mais je ne peux pas dire cela à ma famille ou aux médecins parce que c’est illégal. Pour aller bien, il me faut vivre une double vie.
J’ai souvent essayé de me sevrer de marihuana, mais chaque fois je souffre d’un épisode maniaque. L’année dernière, j’ai décidé que je devais pouvoir contrôler mes hauts et bas affectifs sans marihuana, mais cela m’a conduit à l’une des pires crises que j’ai jamais connues. J’avais eu des troubles du sommeil comme d’habitude. J’ai commencé à avoir une vision plus que claire qu’un tremblement de terre désastreux allait frapper Los Angeles. Je me sentais si bien que j’était certaine d’avoir raison. Très vite, j’ai pu convaincre ma compagne de chambre que nous n’avions pas beaucoup de temps et que nous devrions acheter autant de choses nécessaires que possible et ensuite partir. Nous pensions qu’après le tremblement, le nouvel Ordre Mondial prendrait place et que chacun aurait à prendre le nombre dont les Révélations parlent dans la Bible. Nous avions l’intention de partir au Salvador où habite sa famille et nous cacher pendant les trois années et demie suivantes. C’est fou ! Mais je le croyais réellement. Je détruisis toutes mes cartes de crédit, donnais ma démission, et emballais toutes mes affaires, y compris des déguisements dont je pensais que nous pourrions avoir besoin. Enfin de compte, je dus revenir à la maison sans travail et avec de grosses factures.
Je savais alors qu’il me faudrait revenir à la marihuana. Cela fait maintenant sept mois que j’ai recommencé à fumer et je ne sais pas quoi faire d’autre. Il me faut choisir entre obéir à la loi et être malade ou me mettre hors la loi et être bien.
J.P. EST UNE PROFESSIONNELLE DE LA SANTÉ ÂGÉE DE 45 ANS ET MÈRE D’UN GARCON DE VINGT ANS :
Fin 1994 et au début de 1995, mon fils Michael, âgé de 18 ans commença à ne plus se contrôler. Il était incapable de dormir, d’aller à l’école ou de se comporter d’une façon normale. Il n’arrêtait pas d’aller et venir, agissant par impulsions sans aucun sens de jugement normal. Il courait un grave danger de se blesser accidentellement, ou de blesser d’autres personnes. Il n’y avait pas moyen de le raisonner parce qu’il était incapable de penser ou d’écouter assez longtemps pour comprendre ce que vous étiez en train d’essayer de lui dire. Il était devenu une bombe humaine à retardement.
Puis, le 14 février 1995, il traversa une crise complète de folie psychotique et refusa d’être soigné. J’ai dù demander à la justice de l’interner dans un hôpital psychiatrique à Portland, dans le Maine, où le diagnostic fut celui d’une maladie maniaco-dépressive. Le père de Michael et, également, ma grand-mère souffraient tous deux de la même maladie qu’on appelle maintenant la maladie bipolaire.
Pendant les neuf jours passés à l’hôpital (le temps accordé par ma compagnie d’assurance), on administra à Michael du lithium et du Trilafon (perphénazine). Nous fùmes informés qu’il aurait besoin de lithium pendant le reste de sa vie. L’hôpital nous expliqua que cela marchait très bien chez 60% des patients souffrant de cette maladie.
Nous retournâmes à la maison et pendant un mois ou deux, la folie semblait avoir cessé. À la fin du second mois, le Trilafon fut abandonné, mais Michael continuait à prendre beaucoup de lithium. C’est alors qu’il souffrit d’une éruption cutanée sur le cou et la poitrine. Il avait aussi des cernes noirs sous les yeux et se montrait la plupart du temps incohérent. Le dosage du lithium dans le sang était exactement ce que le médecin désirait, mais maintenant il se comportant comme un patient souffrant de la maladie d’Alzheimer. Il ne pouvait pas lire ou comprendre un paragraphe et encore moins terminer ses études. Il était détaché de son environnement et de lui- même. Il ne restait pas de sentiment affectif en lui. Il était méconnaissable Sa personnalité avait toujours beaucoup ressemblé à celle du comédien Robin Williams et il était très sportif : skieur, joueur de foot-ball et haltérophile. Cela vous brisait le coeur de le voir s’enfoncer dans un état de stupeur due au médicament. Je finis par être convaincue que le lithium ne faisait pas disparaître la maladie mais que, au contraire, il noyait son cerveau afin que les symptômes ne soient pas activés. Je pouvais encore voir de minuscules sautes d’humeur et des moments de complète agitation mais dans un corps qui n’était pas capable de devenir hypomaniaque.
Michael décida de diminuer de moitié son lithium. je savais que cela pouvait être dangereux, mais j’étais d’accord que quelque chose devait être fait. Bientôt, il redevint lui-même, riant et parlant et presque de retour parmi les vivants. Puis, il commença à devenir plus agité et je sus que nous allions vers des difficultés. Il retrouvait l’énergie de quelqu’un capable de beaucoup de rapidité et cela dura pendant des mois. Il traversait la vie comme un étalon pur-sang pendant que je rassemblais tout ce qui était écrit sur la maladie maniaco-dépressive.
Puis, un jour, il vint à la maison et il était parfaitement normal à tous points de vue. Je pensais qu’il traversait peut-être une phase de rémission parce que cela se produit dans cette maladie et j’était ravie de cette possibilité. Plus tard, cette nuit là, il était à nouveau extrêmement agité et tout espoir sombra en moi. Cela continua pendant des semaines. Il y avait des moments où il était parfaitement normal, mais seulement pendant de courtes périodes. Je ne pouvais pas comprendre. Je commençais à noter son rythme de sommeil, ce qu’il mangeait, les différentes sortes de nourriture, quels médicaments il prenait, etc. Finalement, un jour, je découvrais qu’il fumait du cannabis. Naturellement, cela me stupéfia. Nous parlâmes longuement de la chose et il me dit à brusquemment : «je me sens normal que lorsque je fume un joint». À cette époque, j’était prête à rendre responsable de sa maladie le fait de fumer du cannabis. J’était totalement irrationnelle à cet égard. Michael et moi luttèrent constamment pendant un mois à ce sujet. Finalement, il me demanda de faire des recherches sur le cannabis et de lui faire connaître ce que je trouverais. Je pensais que je trouverais assez de renseignements contraires pour qu’on n’en parle plus. La semaine suivante fut ma semaine de découvertes. Non seulement, je ne pouvais pas trouver ce que je cherchais, mais je fus convaincue qu’il n’y avait pas de dommages permanents et que le cannabis pouvait en fait aider les personnes souffrant de troubles de l’humeur.
J’utilisais l’ordinateur pour parler à d’autres personnes souffrant de la maladie bipolaire et je fus submergée de récits émanant directement de personnes souffrant de cette maladie et relatifs au bien-être qu’elles tiraient de l’utilisation du cannabis.
La partie la plus difficile du problème était de réviser mon système des valeurs. En tant que citoyenne, j’avais été élevée dans un esprit d’obéissance à la loi. Bien que j’ai grandi dans les années soixante et que j’avais essayé le cannabis et inhalé, je n’étais jamais une consommatrice régulière parce que c’était illégal. J’ai bien élevé Michael. Je lui ai appris à respecter les personnes plus âgées, à faire ce que l’on est censé devoir faire et par dessus tout à suivre la loi.
C’est déjà assez dur de vivre avec un adolescent de 18 ans pendant une période de rébellion naturelle, mais être forcée de participer à une activité illégale est un scénario qui est absolument le pire. Mais c’est exactement ce que je fais. Mike fume du cannabis depuis deux mois maintenant. Il ne fume pas tous les jours, mais lorsque la phase maniaque commence il fume et en quelques minutes il est bien. Il n’apparaît jamais être «défoncé», seulement heureux et détendu. Nous n’avons plus affaire aux sautes d’humeur. Il peut travailler sur son programme d’études à domicile et je ne doute pas qu’il le termine d’ici à la fin de l’été. Avec un ami, il a réparé des nasses pour piéger des langoustes et passera une semaine à pêcher la langouste à la fin du mois d’avril.
Et maintenant, je m’attends à être arrêtée un jour parce que si Michael est arrêté, ils devront m’emmener avec lui. J’ai l’intention de cultiver cet été pour son usage. Je sais que je pourrais finir en prison, mais je sais également que sans une sorte de médication qui marche, c’est mon fils qui finira en prison, à l’hôpital ou qui mourra. Quel est mon choix ?
UN AUTRE RÉCIT D’UTILISATION DU CANNABIS PAR UNE PERSONNE SOUFFRANT DE MALADIE BIPOLAIRE MET L’ACCENT SUR LA DIMINUTION DES EFFETS SECONDAIRES DU LITHIUM :
J’ai 29 ans. Je suis né et j’ai été élevé en Caroline du Nord. Mes études supérieures se sont portées sur la Littérature anglaise, l’Informatique et le Droit. Je travaille maintenant comme consultant en technologie et écrivain, mais j’envisage de retourner dans une école supérieure. Je suis divorcé. Je mène une vie sociale raisonnablement active bien que le travail, en ce moment, absorbe une grande partie de mon temps.
C’est il y a cinq ans environ qu’un diagnostic de maladie bipolaire a été formulé à mon égard, alors que je fréquentais l’Ecole de Droit (un psychiatre avait essayé de poser ce diagnostic alors que j’étais étudiant), mais je pense que j’avais un trouble de l’humeur depuis longtemps. Il est certain que j’étais cliniquement déprimé à l’âge de 9 ans et ma première crise hypomaniaque survint à l’âge de 17 ans. Il y a aussi des troubles de l’humeur dans l’histoire familiale, surtout du côté de ma mère. Ses trois frères avaient des personnalités «mercuriales» et, en affaires, ils ont tous eu des succès retentissants et des échecs notables. Leurs extravagances et leurs personnalités extraverties sont proches de mon comportement lorsque je traverse une phase maniaque ou hypomaniaque. Bien qu’un diagnostic de troubles de l’humeur n’ait jamais été formulé à l’égard de mes parents, tous deux ont été soignés pour dépression clinique.
Avant d’être diagnostiqué et traité correctement, j’avais les symptômes typiques de la maladie bipolaire. Pendant les phases dépressives, j’étais en retrait, peu communicatif et j’avais des idées suicidaires. Je trouvais presque impossible de travailler à l’école ou au bureau. Pendant les phases hypomaniaques ou maniaques, je dépensais sans compter, je voyageais sans retenue à travers tout le pays (et le monde), je prenais des décisions personnelles et de travail de peu d’intérêt et des risques dans mon comportement sexuel, etc. La maladie a été cause de beaucoup de souffrance et de problèmes d’argent. Je me suis séparé de ma femme (qui a fini par divorcer) l’été précédant le diagnostic. J’ai perdu des emplois, détruit des amitiés et éloigné des membres de ma famille. Heureusement, avec le temps et la compréhension, une grande partie de ces dommages a été réparée. Je remercie Dieu que la ruine de mon crédit est le seul dommage apparent qui me reste.
Grâce au lithium et à une thérapie raisonnable, comprenant l’emploi judicieux de cannabis, je me suis montré relativement stable et sain pendant les trois dernières années, bien que mon sommeil soit souvent troublé et que je souffre encore (à un degré moindre) d’hypomanie et de dépression suivant le même cycle que précédemment.
J’ai d’abord utilisé le cannabis au cours de la première année à l’Université (1984). En tant que drogue, je le préférais à l’alcool et je l’utilisais plusieurs fois par semaine presque toujours en fumant (je préfère toujours le consommer de cette manière). En y repensant, il me semble clair que je pratiquais déjà alors de l’auto-médication pour des troubles bipolaires. Lorsque j’étais déprimé et angoissé, je trouvais que le cannabis était un calmant et renforçait mon aptitude à jouir de la vie. Lorsque je traversais une phase maniaque, cela me détendait et m’aidait à m’endormir. J’avais souvent le sentiment que je possédais tant d’énergie en moi que je pouvais sauter hors de ma peau. De ce point de vue, le cannabis m’a beaucoup aidé. Mais il y avait un à-côté dérangeant. Les maniaques ont un grand problème avec le contrôle des impulsions et le cannabis paraissait exacerber ce problème. («Une virée au Canada ? Bonne idée. Partons !»). Il déclenchait aussi une augmentation d’un degré ou deux d’une libido déjà trop active, ce qui n’était pas la chose la plus saine du monde.
Lorsque le diagnostic fut posé et que j’ai commencé le traitement avec le lithium, j’ai éprouvé un soulagement presque immédiat, mais je souffrais aussi de nausées, de prise de poids, de migraines, de tremblements des mains et d’une production excessive de salive. Un ami me suggéra d’essayer d’aller mieux, arguant du fait que si le cannabis aidait les patients suivant une chimiothérapie à diminuer leurs nausées et leur inconfort, il pouvait également m’aider. Mon médecin pensa que l’idée était absurde, mais admit que cela ne serait pas dangereux d’associer le cannabis au lithium. Alors, j’ai essayé et les résultats ont été remarquables. Le tremblement des mains disparut, les migraines aussi et l’usine à saliver revint à des niveaux de production normaux. Tout ce dont j’avais besoin était de tirer une ou deux bouffées d’une cigarette de marihuana. Alors que les effets secondaires du lithium font mal, la possibilité d’utiliser du cannabis fut un précieux don du ciel. C’est également bien de consommer du cannabis en tant qu’euphorisant, sachant que contrairement à la combinaison du lithium et de l’alcool, cela ne peut pas endommager les reins.
Tous ceux qui parmi les milliers d’Américains consommant de la marihuana en tant que médecine courent le risque d’être arrêtés. Ils doivent s’inquiéter d’une ruine financière, de la perte d’une carrière, de la saisie de leur automobile ou de leur maison. Certains ont un fardeau supplémentaire parce que les mises en garde des programmes scolaires obligatoires relatifs aux drogues et celles des «Parents partisans d’une Amérique Sans Drogues» ont donné à leurs enfants une idée exagérée des dangers de l’usage de la marihuana. Nombre de ces enfants se soucient de la santé et du bien-être de leurs parents qui consomment de la marihuana. Certains d’entre eux ont été arrêtés parce que leurs enfants inquiets en ont parlé aux officiers de police qui servent d’instructeurs dans le cadre du programme éducatif populaire sur les droques connu sous le nom de DARE (Drug Abuse Resistance Education = Education à la Résistance contre l’abus des droques).
LES RÉCITS SUIVANTS SONT LE FAIT D’UN INFORMATICIEN DE 40 ANS ET DE SA FEMME ÂGÉE DE 37 ANS SOUFFRANT D’UNE MALADIE BIPOLAIRE. IL RACONTE D’ABORD :
Ma femme et moi, et nos deux garçons, vivons à Tyngsboro dans le Massachussets. Ma femme fut diagnostiquée en 1982 comme soufrant de maladie bipolaire et a pris du lithium depuis 1992. Elle utilise également de la marihuana pour ses symptômes. Elle a rencontré six psychiatres au cours des 14 dernières années et a été interrogée par beaucoup d’autres. Je leur ai toujours dit qu’elle utilisait de la marihuana régulièrement et aucun d’entre eux ne lui a dit de s’arrêter. Ils ne semblaient pas y prendre garde ou y faire attention.
J’ai fait passer une question à ce sujet sur Internet au journal s’occupant des aides alternatives à la dépression. J’ai demandé si les médecins connaissaient quelque chose au sujet de la marihuana mais ne pouvaient la recommander parce qu’elle est illégale. Les réponses furent variées. Cependant, la plupart des personnes maniaco-dépressives me dirent que la marihuana les aidait et l’une d’entre elles me dit que quelques médecins considéraient qu’elle avait un effet réel pour contrôler les troubles de l’humeur.
Ma femme se porte beaucoup mieux lorsqu’elle utilise de la marihuana. Lorsqu’elle est hypomaniaque, cela la détend, l’aide à dormir et ralentit son discours. Quand elle est déprimée et dans un état où elle pourrait passer toute sa journée au lit, la marihuana la rend plus active. Quand elle vient à en manquer qu’elle ne peut en obtenir, elle devient plus irritable et difficile à vivre. Le lithium agit également mais il ne la contrôle pas toujours.
Notre dilemme est que notre garçon de 13 ans a suivi le programme DARE et qu’il a été informé des dangers des drogues et de l’alcool. Il s’oppose à tout usage de substance, légale ou illégale, et je suis d’accord. Mais, il sait que ma femme utilise de la marihuana et cela le «dévore» bien qu’il soit aussi au courant de sa maladie et du fait que la marihuana l’aide. Il est compréhensible que tout cela engendre de la confusion chez lui.
Je crois que la marihuana pourrait aider certaines personnes si on pouvait en obtenir sur prescription médicale. Il existe certainement d’autres solutions sanitaires et sociales et je ne peux pas décider ce qui serait bon pour le pays dans son ensemble. Tout ce que je sais, c’est que dans notre famille, elle nous a soulagé de beaucoup de souffrance.
MAINTENANT SA FEMME :
J’ai 37 ans et j’utilise la marihuana depuis vingt ans. J’ai eu un diagnostic de maladie bipolaire en 1982. Je prends du lithium et du Wellbutrin (buproprion) bien que je n’aime pas ces médicaments. J’ai grossi de vingt kilos depuis que j’ai commencé à prendre du lithium, mais autrement je ne souffre pas d’effets secondaires.
Mon fils de 13 ans est au courant de ma maladie. Il est également au courant depuis cinq ans du fait que je fume de la marihuana. Il a compris ce que je faisais après avoir participé au programme DARE à l’école. Cela me contrarie lorsqu’il revient à la maison, me dit qu’ils ont parlé de drogues et qu’il pense que sa mère est «une droguée». Il ne veut pas que quiconque sache que j’en suis une et jusqu’à maintenant, nous avons gardé cela comme notre secret. Je ne pense pas qu’il en parle à quelqu’un, mais je crains que quelque chose ne lui échappe. Parfois, ces programmes utilisent des trucs pour que les enfants parlent de leurs amis et parents. Ils disent : «Si vous aimez réellement cette personne, le seul moyen d’aider est de nous en avertir». Mon mari a parlé avec lui de ce problème. Il lui a expliqué que le lithium et les autres médications que je prends sont des drogues. Il lui a également expliqué que de nombreux médicaments légaux sont beaucoup plus dangereux que la marihuana et que personne n’est jamais mort à cause de son utilisation. Mais mon fils persiste à dire que si c’est illégal, c’est mal. Cela me contrarie tellement que j’ai envisagé d’arrêter.
Le problème est que lorsque je me sens fatiguée et épuisée, il suffit de deux bouffées de marihuana pour me ramener à la vie. Parfois, je pense que cela m’amène à un niveau de normalité que les autres atteignent naturellement. D’autres fois, lorsque tout me semble tourbillonner autour de moi et que je ne peux mémoriser ce que je pense ou ce que je dis, la marihuana semble juste ralentir un peu le monde. Quand j’ai des troubles du sommeil, cela m’aide à tomber de fatigue et si j’ai du mal à me réveiller, cela me ramène à la vie. Je n’aime pas l’idée que je puisse être considérée comme une «mère toxicomane», mais je pense qu’en fait je suis une meilleure mère quand je me contrôle à l’aide de la marihuana.
Conclusions
Aujourd’hui, le cannabis est en quelque sorte dans une position analogue à celle du lithium en 1949 lorsque J.F.J. Cade, après avoir observé son effet sédatif sur des cobayes, l’administra à ses patients souffrant phases maniaques récurrente. Son article «Sels de Lithium dans le Traitement des Excitations Psychotiques» présentait dix cas cliniques de la longueur d’un paragraphe et ces preuves anecdotiques et irrésistibles attirèrent l’attention des psychiatres du monde entier parce qu’il n’existait pas de traitement adéquat de la maladie bipolaire. Dans son article, Cade (1949) mentionnait la nécessité d’«observations contrôlées d’un nombre suffisant de patients traités et non traités». En 1951, Noack et Trautner poursuivirent son travail et rédigèrent un rapport sur le traitement de trente autres patients souffrant «seulement de manie». Ils faisaient cependant remarquer que tous les patients ne s’amélioraient pas, que nombreux étaient ceux qui arrêtaient le traitement et «qu’il n’apparaissait pas justifié d’accepter le traitement de la manie comme invariablement sans danger» (Noack & Trautner, 1951).
En 1954, Schou et ses collègues publiaient une étude contrôlée dans laquelles ils alternaient le lithium et un placebo à deux semaines d’intervalle. Le lithium était clairement bénéfique pour 12 patients, 15 montraient une amélioration qui n’était «pas aussi tranchée» et trois ne s’amélioraient pas du tout. Schou et ses collègues trouvèrent «plutôt étonnant que (le succès du lithium) ait échoué à éveiller un intérêt plus grand chez les psychiatres». Une explication offerte était son pourcentage thérapeutique bas. Une autre explication était «les difficultés rencontrées dans les essais d’informer les autres d’une manière quantitative… sur les résultats d’une nouvelle thérapie psychiatrique», c’est-à-dire de passer de renseignements anecdotiques à des études contrôlées (Schou et al.; 1954). Mais il y avait une raison encore plus importante pour le retard de l’acceptation du lithium aux Etats-Unis. Dans ce pays, les médicaments sont élaborés par des laboratoires pharmaceutiques qui investissent dans les études nécessaires pour le visa officiel. Ils font cela parce qu’ils reçoivent une licence d’exploitation pour le nouveau médicament (d’une durée de 17 ans dans les années cinquante), ce qui leur permet d’amortir leurs recherches. Naturellement, les sels de lithium ne pouvaient pas être patentés.
Des obstacles similaires se rencontrent dans l’usage du cannabis aujourd’hui. Suite à son utilisation comme substitut du sel pour les malades cardiaques dans les années quarante, le lithium avait acquis une réputation de toxicité. Il s’était produit un certain nombre de décès avant que ses dangers ne soient entièrement reconnus et, aujourd’hui, les dosages sanguins sont effectués soigneusement. À cause de son usage non médical, le cannabis a également une réputation de toxicité, non méritée dans ce cas. Il n’était pas possible de patenter le lithium et il en va de même pour le cannabis. En fin de compte, de même que pour les preuves pour le lithium en 1949, les preuves actuelles de la valeur thérapeutique du cannabis sont anecdotiques. Bien qu’il ait été, de manière répétée, considéré comme un traitement des troubles affectifs dans la littérature médicale occidentale lorsque Jacques-Joseph Moreau de Tours (1857) le recommandait pour la mélancolie, il existe dans la littérature médicale peu de recherches sur l’emploi du cannabis en tant que stabilisateur de l’humeur (voir Parker & Wrigley 1950, Pond 1948, Stockings, 1947).
Aujourd’hui, les médicaments doivent subir, avant d’être mis sur le marché an tant que tels, des tests longs, rigoureux et onéreux pour obtenir l’accord de la «Food & Drug Administration» (FDA). Le but de ces tests est de protéger le consommateur en établissant à la fois la non-toxicité et l’efficacité. Pour commencer, la non-toxicité (ou plutôt la toxicité réduite) est établie par le biais d’expériences sur les animaux puis sur les humains. Ensuite, des études contrôlées, en double aveugle, sont entreprises pour déterminer si le médicament a plus d’effet qu’un placebo et est au moins aussi utile qu’un autre médicament disponible sur le marché. Etant donné que la différence entre médicament et placebo peut être mince, il est nécessaire de disposer d’un grand nombre de patients pour un résultat statistiquement significatif. Parce qu’aucun médicament n’est tout à fait anodin (non-toxique) ou toujours efficace, un médicament approuvé par la FDA a en principe satisfait une analyse bénéfice-risque. Lorsque les médecins délivrent une ordonnance à des patients individuels, ils effectuent une analyse informelle semblable, tenant compte non seulement de la non-toxicité et de l’efficacité globales, mais des risques et bénéfices pour un patient donné dans une situation donnée. Les procédures formelles d’approbation des médicaments aident à fournir aux médecins les informations nécessaires pour faire cette analyse.
Toutefois, le recours aux procédures formelles peut nous avoir amenés à sous-estimer les preuves anecdotiques. Ceux qui édictent les règlements aujourd’hui ont tendance à accepter l’expérience de médecins et de patients comme preuves d’effets contraires, mais pas comme preuves d’effets thérapeutiques (Lasagna, 1985). Pourtant des récits de cas et l’expérience clinique sont à la source d’une grande partie de notre savoir concernant les médicaments synthétiques aussi bien que les dérivés de plantes. Des expériences contrôlées n’ont pas été nécessaires pour reconnaître le potentiel thérapeutique de l’hydrate de chloral, des barbituriques, de l’aspirine, du curare, de l’insuline ou de la pénicilline. Plus récemment, les emplois du propranolol pour l’angine de poitrine et l’hypertension, du diazépam pour l’épilepsie et de l’imipramine pour l’énurésie infantile ont été découverts de la même manière, bien que ces médicaments aient été initialement approuvés à d’autres fins.
Une source rapportée de preuves est la méthode expérimentale sous le nom de "N of 1". Il s’agit d’essais cliniques au hasard sur un seul patient. C’est le genre d’expériences utilisées par Schou et ses collègues (1954) au cours duquel un traitement actif et un placebo sont administrés en alternance ou successivement à un patient. Cette méthode est souvent utilisée lorsque des études contrôlées d’envergure sont impossible ou inappropriées parce que la maladie est rare, le patient atypique ou la réponse au traitement particulière. Plusieurs patients que les auteurs ont rencontrés ont effectué des expériences quelque peu similaires sur eux-mêmes. Ils alternaient des périodes d’usage du cannabis avec des périodes de sevrage et s’apercevaient que le cannabis donnait des résultats.
Le défaut particulier à la preuve anecdotique est le risque de compter les succès et d’ignorer les échecs. Si de nombreuses personnes souffrent de dépression clinique prennent, après un traitement raté à l’aide d’anti-dépresseurs conventionnels, disons l’Evangile de Saint-Jean et que certains guérissent, ceux-là sortent du lot et attirent l’attention. La maladie bipolaire est un état cyclique et il est donc naturel d’éviter la confusion entre une rémission naturelle et une amélioration due au médicament. A l’heure actuelle, nous ne savons pas combien de patients souffrant de maladie bipolaire tireraient un bénéfice du cannabis. Les preuves anecdotiques prometteuses indiquent la nécessité d’une recherche clinique systématique tout comme cela se passa il y a cinquante ans avec le lithium.
Des milliers d’années d’usage répandu, de même que la recherche récente visant à découvrir les effets toxiques, ont établi clairement que le cannabis est une drogue inhabituellement non-toxique. En fait, sa non-toxicité à long terme est mieux établie que celle de l’Evangile de Saint-Jean. Pourtant, contrairement à l’Evangile de Saint-Jean, le cannabis serait soumis à des régulations gouvernementales qui exigent plus de temps et des tests nécessaires de non-toxicité. La classification du cannabis en tant que drogue (Tableau 1) crée d’autres obstacles à la recherche clinique. Mais étant donné le désintérêt des laboratoires pharmaceutiques, il n’existe pas de perspectives immédiates pour que de telles études soient entreprises même si les obstacles politiques disparaissent. Nous sommes face à la possibilité comparable au supplice de Tantale que le cannabis (ou l’une ou plusieurs de ses molécules cannabinoïdes) soit utile dans le traitement de la maladie bipolaire et le triste savoir que dans les circonstances présentes, il n’est pas possible de faire grand-chose pour explorer ce potentiel.
RÉFÉRENCES
CADE, J.F.J. 1949. Lithium salts in the treatment of psychotic excitement. Medical Journal of Australia, September 3 : 349-52.
GRINSPOON L. & Bakalar J.B., 1997. Marihuana, The Forbidden Medecine. Édition revue et complétée. New Haven : Yale University Press.
LASAGNA L., 1985. Clinical trials in the natural environment. In : C. STIECHELE W., Abshagen & J. Koch-Weser (Eds.) Drugs between. Research and Regulations. New-York : Springler Verlag.
MOREAU DE TOURS J.J., 1857. Lypemanie avec stupeur, Tendance à la démence, traitement par l’extrait (principe résineux) de cannabis indica, guérison. Lancette Gazette Hôpital 30 : 391.
NOACK, C.H. & TRAUTNER E.M., 1951. The lithium treatment of maniacal psychosis. Medical Journal of Australia. August 18 : 219-22.
PARKER C.S. & WRIGLEY F.W., 1950. Synthetic cannabis preparations in psychiatry : I. Synhexyl. Journal of Mental Science 96 : 276-79.
POND D.A., 1948. Psychological effects in depressive patients of the marihuana homologue syndexyl. Journal of Neurology, Neurosurgery and Psychiatry 1 1 : 279.
SCHOU M., JUEL-NIELSEN J., STRîMGREN E. & VOLDBY H., 1954. The treatment of manic psychoses by the administration of lithium salts. Journal of Neurology, Neurosurgery and Psychiatry 17 : 250.
STOCKINGS G.T., 1947. A new euphorisant for depressive mental states. British Medical Journal 1 : 918-22.
Modifié en dernier par Kashmir le 11 mai 2003, 18:33, modifié 1 fois.
J'ai une tendance à la dépression, comme mon père, c'est héréditaire d'après la science.
Et depuis que je fume canna, je peux dire que jamais, j'ai aimer la vie de cette façon 8O
De plus mes migraines on disparue et j'ai retrouver l'art du dessin que j'avais perdu depuis 8 ans. 8O
C'est pourquoi j'ai la foi cannabique
Et depuis que je fume canna, je peux dire que jamais, j'ai aimer la vie de cette façon 8O

De plus mes migraines on disparue et j'ai retrouver l'art du dessin que j'avais perdu depuis 8 ans. 8O
C'est pourquoi j'ai la foi cannabique

Long mais intéressant
Ce qui m'interpelle ce sont les avis uniquement positifs !!
C'est toujours douteux quand il n'y a que des avis positifs !!
L'étude est-elle vraiment honnête ?
Il y a des passages qui m'ont interpellés mais je ne les ai pas retrouvés dans le texte (trop la flemme...)
En tout cas, tant mieux pour tout ces gens et les personnes souffrant de ces symptomes si la Canna peut les aider !!

Ce qui m'interpelle ce sont les avis uniquement positifs !!
C'est toujours douteux quand il n'y a que des avis positifs !!
L'étude est-elle vraiment honnête ?
Il y a des passages qui m'ont interpellés mais je ne les ai pas retrouvés dans le texte (trop la flemme...)
En tout cas, tant mieux pour tout ces gens et les personnes souffrant de ces symptomes si la Canna peut les aider !!



C'est l'essence même de la mise en évidence d'une hypothèse par l'anecdote de ne comporter que des exemples positifs.@Enrico@ a écrit : Ce qui m'interpelle ce sont les avis uniquement positifs !!
C'est toujours douteux quand il n'y a que des avis positifs !!
L'étude est-elle vraiment honnête ?
Les auteurs s'expliquent dans ce passage :
L'étude est donc honnête puisqu'elle ne prétend pas être concluante mais appelle à plus de recherches.Grinspoon a écrit :Le défaut particulier à la preuve anecdotique est le risque de compter les succès et d’ignorer les échecs. Si de nombreuses personnes souffrent de dépression clinique prennent, après un traitement raté à l’aide d’anti-dépresseurs conventionnels, disons l’Evangile de Saint-Jean et que certains guérissent, ceux-là sortent du lot et attirent l’attention. La maladie bipolaire est un état cyclique et il est donc naturel d’éviter la confusion entre une rémission naturelle et une amélioration due au médicament. A l’heure actuelle, nous ne savons pas combien de patients souffrant de maladie bipolaire tireraient un bénéfice du cannabis. Les preuves anecdotiques prometteuses indiquent la nécessité d’une recherche clinique systématique tout comme cela se passa il y a cinquante ans avec le lithium.
On connait effectivement des cas de maniaco-dépressions qui n'ont pas été améliorées ou qui ont été aggravées par l'usage du cannabis.
À titre indicatif, les taux de succès dans le traitement classique des troubles bipolaires par le lithium sont :
30% de réussites.
40% d'échecs partiels et de réussites partielles.
30% d'échecs.
Voici une traduction du passage concernant la maniaco-dépression dans le rapport sur le cannabis établi en 2002 par les ministères de la santé publique belge, français, allemand, néerlandais et suisse.
Cannabis 2002 report. Ministry of Public Health of Belgium a écrit :4.B.3.1 Troubles bipolaires
La plupart des études s’intéressant à la co-occurence très fréquente de l’abus de substances et des troubles bipolaires se sont confinées à constater des taux élévés de substances parmi les patients (18 ). Des hypothèses diverses ont été mises en avant pour expliquer cette relation entre l’abus de substances et les trouble bipolaires. Cependant, ces études sont basées exclusivement sur des populations suivies en hôpital, il n’y a donc pas d’information sur la co-occurence dans la population générale. Les études appuyant ces hypothèses sont rares et beaucoup de questions restent sans réponses.
L’abus de substance et les troubles bipolaires peuvent avoir un facteur commun de risque, mais ceci n’a pas été spécifiquement étudié.
Le rôle joué par le canabis comme critère des troubles bipolaires pour des épisodes maniaques ou hypomaniaques (implication excessive dans des activités de plaisir avec possibilité de conséquences douloureuses) est ambiguë. Contrairement à la population générale, les patients bipolaires sont plus enclins à la dépendance qu’à l’abus (19). Compte-tenu de cette observation, l’abus de substance comme activité de plaisir avec possibilité de conséquences douloureuses semble un critère inapproprié pour la manie (20). Néanmoins, si l’on garde à l'esprit des données récentes suggérant que quelques jours d’usage quotidien de cannabis à haute dose est suffisant pour déveloper une dépendance, cette hypothèse devrait être traitée avec circonspection (21,22).
Les donnés cliniques suggèrent que beaucoup de patients commencent leurs abus de substances avant l’apparition de leurs troubles bipolaires. Cependant, il y a aussi des preuves pour appuyer l’hypothèse que l’abus de substances est une tentative d’auto-médication par les patients atteints de troubles bipolaires (18,23).
18. Strakowski SM, DelBello MP. The co-occurence of bipolar and substance use disorders. Clin Psychol Rev, 2000 Mar; 20(2):191-206.
19. Regier DA, Farmer ME, Rae DS, Lock BZ, Keith SJ, Judd LL, Goodwin FK. Comorbidity of mental disorders with alcohol and other drug abuse. Results from the Epidemiological Catchment Area (ECA) Study. JAMA, 1990 Nov 21; 264(19):2511-8.
20. American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders, 4thed. Washington DC: APA Press, 1994.
21. Haney M, Ward AS, Comer SD, Foltin RW, Fischman MW. Abstinence symptoms following smoked marijuana in humans. Psychopharmacology (Berl), 1999 Feb; 141(4):395-404.
22. Haney M, Ward AS, Comer SD, Foltin RW, Fischman MW. Abstinence symptoms following oral THC administration to humans. Psychopharmacology (Berl), 1999 Feb; 141(4):385-94.
23. Strakowski SM, McElroy SL, Keck PE Jr, West SA. The effects of antecedent substance abuse on the development of first-episode psychotic mania. J Psychiatr Res., 1996 Jan-Feb; 30(1):59-68.
Modifié en dernier par Kashmir le 29 mai 2003, 13:49, modifié 1 fois.
Le point de vue officiel français est, évidemment, contre l'idée d'une possiblité thérapeutique sur les troubles bipolaires.
Mon point de vue est que :
Une partie seulement des troubles bipolaires peuvent réagir favorablement au cannabis. Cette proportion restant complètement à définir pourrait constituer un groupe nettement différencié de ceux qui réagissent au lithium. Dans ce cas, l'utilisation de doses ou de qualités inappropriées a toutes les chances d'aggraver les troubles bipolaires. Une telle tentative de traitement devrait donc être suivie pendant au moins un an ou deux par un psychiatre pour établir le choix des qualités et des doses. La tolérance et la dépendance devraient être surveillées de près.
La règle de base serait assez simple : sativa en phase dépressive et indica en phase maniaque.
L'auto-médication par le cannabis de certains troubles bipolaires me semble possible mais problématique et dangereuse.
À suivre…
(Voir : http://www.cannaweb.info/fcf/viewtopic. ... 269#180269)Philippe Nuss a écrit :Le cannabis est habituellement incriminé (16) comme favorisant l'éclosion, les rechutes et la résistance thérapeutiques de troubles comme la schizophrénie, les troubles bipolaires et les troubles paniques (18, 19, 15). Ceci est partiellement appuyé par les résultats scientifiques. En outre, une tolérance croisée et une additivité du cannabis avec les effets de l'alcool a bien été mise en évidence.
Mon point de vue est que :
Une partie seulement des troubles bipolaires peuvent réagir favorablement au cannabis. Cette proportion restant complètement à définir pourrait constituer un groupe nettement différencié de ceux qui réagissent au lithium. Dans ce cas, l'utilisation de doses ou de qualités inappropriées a toutes les chances d'aggraver les troubles bipolaires. Une telle tentative de traitement devrait donc être suivie pendant au moins un an ou deux par un psychiatre pour établir le choix des qualités et des doses. La tolérance et la dépendance devraient être surveillées de près.
La règle de base serait assez simple : sativa en phase dépressive et indica en phase maniaque.
L'auto-médication par le cannabis de certains troubles bipolaires me semble possible mais problématique et dangereuse.
À suivre…
Modifié en dernier par Kashmir le 26 mai 2003, 07:00, modifié 2 fois.
c'est deprimant de voir que si nos dirrigeants etaient un peu plus large d'esprit , on pourrais peut etre aider pas mal de gens.
mais il ne faut pas rever , on en est seulement au stade ou la plus part des gens ne comprennent pas la depression . A mon avis , il faudra du tant et un serrieux changement d'opinion public avant que l'on puisse aidé les depressif avec une bonne taffe de jack herer .
donc je ne croit pas que se soit le bon filon pour commencé un debut de depenalisation .
personellement je suis depressif ou maniaque ou j'sais pas quoi (peut etre toxico) mais j'ai une vie normale avec marie jeanne.
le seul hic, c'est que je flip(ais) quand j'voit les flic
alors imaginé ma colére quand je voit mes deux grand mere completement choutées au antidepresseur et calmant (+ le reste) qui sont en train de vegéter dans leur fauteuil le regard vitreux !!!
mais il ne faut pas rever , on en est seulement au stade ou la plus part des gens ne comprennent pas la depression . A mon avis , il faudra du tant et un serrieux changement d'opinion public avant que l'on puisse aidé les depressif avec une bonne taffe de jack herer .
donc je ne croit pas que se soit le bon filon pour commencé un debut de depenalisation .
personellement je suis depressif ou maniaque ou j'sais pas quoi (peut etre toxico) mais j'ai une vie normale avec marie jeanne.
le seul hic, c'est que je flip(ais) quand j'voit les flic

alors imaginé ma colére quand je voit mes deux grand mere completement choutées au antidepresseur et calmant (+ le reste) qui sont en train de vegéter dans leur fauteuil le regard vitreux !!!
C'est vrai, ça risquerait même de la rendre encore plus compliquée.divinrom a écrit : donc je ne croit pas que se soit le bon filon pour commencé un debut de depenalisation .
Mais ici on n'est pas en forum dépénalisation/légalisation, on est en forum médical.
La maniaco-dépression est une maladie grave qui engage le pronostic vital et constitue, selon l'OMS, la 6ème cause d'incapacité au travail.
Il n'y a pas plus de raisons d'attendre pour informer sur les liens entre cannabis et maniaco-depression que pour d'autres maladies non-psychiatriques.
Je rappelle aussi que la dépression et la maniaco-dépression sont deux maladies bien distinctes qui se soignent de façons différentes.
oui c'est vrai mais je prefere que tout le monde le sache comme ca , les anti cannabis n'aurons pas d'arguments supplementaire pour nous méprisé.et melangé le debat depression cannabis ne ferais qu'empiré les chose je croit.il y a trop de parametres variables et d'inconues dans ces deux debats pour les melanger ca ne ferais que empiré les choses.Kashmir a écrit :C'est vrai, ça risquerait même de la rendre encore plus compliquée.divinrom a écrit : donc je ne croit pas que se soit le bon filon pour commencé un debut de depenalisation .
Mais ici on n'est pas en forum dépénalisation/légalisation, on est en forum médical.
ps.:avis completement personnelle donc a prendre comme bon vous semble
C'est quelqu'un qui connait des périodes de dépression et d'agitation graves.
La dépression empèche de mener une vie normale et souvent de travailler. Elle est fréquement accompagnée d'idées suicidaires.
L'agitation ou "manie", est souvent perçue comme une période normale. Forte capacité au travail, besoin en sommeil réduit, bonne humeur… Mais aussi : dépenses excessives, abus en tout genre, irritabilité, etc. Tout semble aller bien jusqu'à ce que ça craque. Ça peut aller loin et se terminer à l'hôpital en passant éventuellement par la case prison.
Ça concerne environ 1% des gens.
Appelée autrefois psychose maniaco-dépressive, la maladie bipolaire n'est plus considérée comme systématiquement psychotique (c'est à dire : perte de contact avec la réalité).
Ça m'intéresse d'en parler car je suis directement concerné, tout simplement.
La dépression empèche de mener une vie normale et souvent de travailler. Elle est fréquement accompagnée d'idées suicidaires.
L'agitation ou "manie", est souvent perçue comme une période normale. Forte capacité au travail, besoin en sommeil réduit, bonne humeur… Mais aussi : dépenses excessives, abus en tout genre, irritabilité, etc. Tout semble aller bien jusqu'à ce que ça craque. Ça peut aller loin et se terminer à l'hôpital en passant éventuellement par la case prison.
Ça concerne environ 1% des gens.
Appelée autrefois psychose maniaco-dépressive, la maladie bipolaire n'est plus considérée comme systématiquement psychotique (c'est à dire : perte de contact avec la réalité).
Ça m'intéresse d'en parler car je suis directement concerné, tout simplement.
J'ai oublié de revenir sur ce post, merde...
Ouais ben moi je commence à me demander si je le suis pas aussi ca fait un bail que je suis affecté par un truc je sais pas comment l'apeller...
Toujours ets-il que je suis déprimé grave la majorité du temps, avec un peu de parano aussi, genre je fais les choses en pensant aux autres, tu vois ce que je veux dire ? En tout cas tout ca m'empeche d'etre heureux et je ne me leve plus avec la joie de commencer une nouvelle journée comme avant. Desfois quand je vais plus mal que d'habitude j'ai des idées sucidaires, même si je sais que je le ferais jamais, je prefere vivre mal que faire du mal à mes parents.
Mes dépressions m'empeche pas mal de bosser meme si je fait mes horaires, je suis ailleurs ou alors je n'ai pas assez confiance ou pas assez motivé....
Mais j'ai pas des périodes d'agitation ou alors elles sont tres courte (30 minutes ou 1 heure par ex.)
Comment ca se manifeste ta "maladie" Kashmir ? Tu es pas en confiance, malheureux, .... ????
Tu suis un traitement ou que fais tu pour essayer d'arranger les choses ?
Dis moi en +, A+
Ouais ben moi je commence à me demander si je le suis pas aussi ca fait un bail que je suis affecté par un truc je sais pas comment l'apeller...
Toujours ets-il que je suis déprimé grave la majorité du temps, avec un peu de parano aussi, genre je fais les choses en pensant aux autres, tu vois ce que je veux dire ? En tout cas tout ca m'empeche d'etre heureux et je ne me leve plus avec la joie de commencer une nouvelle journée comme avant. Desfois quand je vais plus mal que d'habitude j'ai des idées sucidaires, même si je sais que je le ferais jamais, je prefere vivre mal que faire du mal à mes parents.
Mes dépressions m'empeche pas mal de bosser meme si je fait mes horaires, je suis ailleurs ou alors je n'ai pas assez confiance ou pas assez motivé....
Mais j'ai pas des périodes d'agitation ou alors elles sont tres courte (30 minutes ou 1 heure par ex.)
Comment ca se manifeste ta "maladie" Kashmir ? Tu es pas en confiance, malheureux, .... ????
Tu suis un traitement ou que fais tu pour essayer d'arranger les choses ?
Dis moi en +, A+